Miller la pâtée
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Jouissant d’un budget dix fois supérieur à celui du premier volet, George Miller réalise une suite dépassant son modèle. Mad Max 2 compte parmi les meilleurs films post-apocalyptiques jamais réalisés et surtout les plus influents. Il a aussi annexé le sous-genre du post-nuke (film d’action post-nucléaire). Si certaines productions s’y rattachant ont alors déjà existé, c’est Mad Max 2 qui en fait un vrai courant et en impose les repères. Le post-nuke sera une manne du bis et un créneau notamment occupé par les italiens. Cette catégorie de films a connu son âge d’or dans les années 1980 et Doomsday en était une résurgence en 2007.
Contrairement au premier opus, Mad Max 2 opte pour une contextualisation de l’univers présenté. Il le situe dans un futur relativement proche et l’introduction expose l’écroulement de la société industrielle, l’épuisement des ressources et des énergies et les effets de la catastrophe écologique et nucléaire. Tout ce qui germait dans Mad Max s’accompli dans Mad Max 2 et celui-ci devient la mise en forme pénétrante et outrancière de la post-Histoire et de l’individualisme sauvage. Cette post-Histoire ressemble à une nouvelle Histoire primitive, avec les ruines de l’ancienne en plus ; sauf qu’il n’y a pas d’Histoire à écrire.
Tout ce qui existe, c’est ce qui est sous notre nez ; tout ce qui compte, c’est la survie, la sécurité et l’affirmation de soi. Bien sûr, les passions sont toutes autorisées, sauf celles qui rendent faibles à moins de vouloir être à la merci des prédateurs ou d’avoir un protecteur ; mais de toutes manières, aucune forteresse n’est sûre. Mad Max 2 exprime ainsi l’essence la plus pure d’un espace-temps où ne règnent que les survivants. C’est un univers tribal, où les bandes les plus impitoyables ou les mieux organisées l’emportent.
Les barbares peuvent être raffinés à bien des égards, soignent leurs performances et apparences, s’autorisent certains plaisirs ; mais l’Humanité a foutu le camp de toutes façons. Certains personnages sont déshumanisés, comme ce type perdant ses doigts et riant grassement avec la tribu. Dans ce cadre, Max aka Mel Gibson est un loup solitaire, qui n’a ni l’instinct de destruction ou le désir de toute-puissance des uns, ni le besoin de ré-assurance et de structure des autres. Il n’a pas la foi et ne veut pas se mentir ; il n’est pas près à devenir un héros, il est trop nihiliste pour ça. Il ne veut pas mener des hommes ni les dominer, il tâche simplement d’être libre car c’est tout ce qui la vie lui permet.
Ce voyage brutal, sans repos ni inhibition, est encore transcendé par le contexte purement physique. L’action se déroule dans une vallée de l’outback australien et renforce la splendeur et la sécheresse du spectacle. Mad Max 2 est l’un des films les plus pessimistes qui soit et nous plonge dans la non-civilisation avec un jusqu’au-boutisme inégalable. C’est le western psychotique à son paroxysme, avec son bestiaire de costumes et de véhicules excentriques et démonstratifs.
Devant un tel déchaînement, l’attirance pour cette liberté morbide mais sans limites contrarie largement la condamnation morale d’un état du monde aussi achevé dans la monstruosité, au point que souffrir du manque de constructions sociales est hors-de-propos. Pour les punks nazillons itinérants et leur leader le gladiateur, sorte de bourreau sensible et théâtral, il y a un plaisir pervers à vivre dans ce monde-là. Ils sont des Caligula sans le luxe, à l’inspiration plus vive, paradoxalement plus sensés dans leurs délires.
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Créée
le 16 mai 2015
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