Mad Monster Party?
6.7
Mad Monster Party?

Long-métrage d'animation de Jules Bass (1967)

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au septième épisode de la sixième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/The_Invisibles/2413896
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


L’imbrication entre humain et inhumain continue ce soir mais de manière bien plus raffinée et profonde. N’y tenant plus je me suis rendue à l’adresse que m’avait donnée mon amie, et je ne sais déjà plus si c’était avant, après ou même pendant le visionnage du film, tant les événements de cette nuit se répondent et s’entrelacent à la perfection, dans un souvenir déjà vaporeux et mystique d’une nuit des plus étranges, et pourtant dont les personnages principaux étaient de simples humains dont la curiosité et le désir d’aventure leur avait ouvert les portes du surnaturel. 
Pour commencer, le film et ma destination de ce soir avaient tous deux en commun leur haute improbabilité de m’être restés inconnus si longtemps. Je ne comprends pas comment j’ai fais pour n’avoir connu ni l’un ni l’autre avant ce soir. L’un est un film d’animation en stop-motion -qui a été mon sujet d’étude dans ma vie d’humaine- des plus remarquables, mettant par ailleurs en scène absolument tous les monstres ayant déjà été à l’honneur de mes mois d’octobre. L’autre est une échoppe marchandant informations, potions, poisons et autres artefacts magiques en tous genre, plaque tournante et lieu de rencontre de tout le peuple nocturne parisien. Ma version humaine n’aurait pas du rester sans connaître le premier, ma version lycanthrope n’aurait pas plus du rester étrangère au second, et l’intégralité de ma personne ce soir est affligée de la profondeur du puit des inconnus qu’il me restera encore à découvrir et explorer pour le reste de ma vie. D’autant que l’un comme l’autre ne sont ni anodins ni sans intérêt. En fait, ils sont plutôt incontournables chacun dans leur genre, et leur existence est aussi improbable qu’indispensable.
D’un coté on a un film, et puisqu’on est là pour en parler, commençons pas là. Sorti de nul part et connaissant visiblement un relatif anonymat, *Mad Monster Party ?* est produit par le studio Rank/Bass, et réalisé par l’éponyme Jules Bass. Ces derniers étaient semble-t-il plutôt connu pour des productions télévisuelles américaines, qui, à ce que j’en sais, ne semble pas avoir jamais traversé l’Atlantique. En grande fan plus ou moins éclairée sur la stop-motion, je découvrais donc avec délice ce soir cette production qui m’était restée inconnue jusqu’alors. D’autant que la technique est remarquable, et même si je n’ai pas bien compris ce que le procédé dit « animagic » a de particulier parmi les techniques d’animation en stop-motion, le film n’en reste pas moins fascinant, avec ses personnages aux allures de jouets, son animation saccadée savamment assumée, et ses effets spéciaux dont le mécanisme tout aussi flagrant n’en reste pas moins émerveillant et ludique. L’ambiance est unique et époustouflante, alliant dans un tour de force improbable le gothisme à l’enfantin, saupoudrant le tout de pop-culture et de comédie musicale. Et (je l’ai déjà dit mais je le répète tant c’est incroyable) ça marche. Que de chemin parcouru depuis hier, où Universal n’arrivait pas à faire du burlesque avec le plus burlesque de ses monstres ! Ici, tout est savamment pensé et brillamment mis en scène, alliant un rythme juste dont la frénésie fait comme un délicieux écho avec les mouvements brusques et saccadés des personnages. L’ambiance comédie musicale s’accorde parfaitement avec l’ambiance film de monstre, les deux jouant sur des références en formes d’hommage, à la fois recherché et accessible, comique et attendrissant, sans oublier de s’inscrire parfaitement dans l’intrigue. Les raccords entre les séquences sont ludiques et travaillés, comme cette transition d'une bulle de savon à la pleine lune, illustrant à elle seule la magnifique harmonie entre l'enfance et l'horreur. Et puis tout de même, c’était bien la première fois que je m’exclamais « trop mignon ! » à la découverte de la créature de Frankenstein…
Cependant, malgré la justesse de cette mise en scène exubérante, je ne peux m’empêcher le parallèle un peu malaisant avec mon lieu de visite de ce soir. Cette échoppe sombre et secrète, accessible uniquement aux créatures inhumaines, est cependant sous le giron d’un être humain dont la fascination pour notre condition a fini par se transformer en un sentiment de pouvoir et d’autorité assez inconfortable pour ses clients. Ce lieu semble être le seul que j’ai connu où des monstres se soumettent aux règles qu’un humain impose. Et comme dans le film, le bestiaire a parfois tendance à virer à l’animalerie dans l’imaginaire humain, où les monstres deviennent de simples créatures, basiques, primaires, bestiales. Aux yeux de l’humain Alpha (le docteur Frankenstein et son héritier dans le film, le boutiquier dans ce dérangeant endroit), les méandres de l’esprit torturés des créatures obscures, leurs luttes internes contre des instincts brutaux ou maléfiques, la dualité entre l’homme et le démon sont effacés. Il y a dans ce film une ribambelle trop lourde à développer de monstres différents, et comme le gérant de l’échoppe, le réalisateur aura été obligé de simplifier ses monstres au maximum pour ne pas se noyer.
Cette boutique aussi a, derrière sa simplification grossière des ses clients, une complexité et une originalité assez excitante. Cet humain ordinaire qui la tient semble n’avoir jamais été atteint par aucun maléfice ni aucun sortilège. Son plus grand secret certainement sera le moyen par lequel il se sera mis en contact avec notre communauté, et comment il aura appris dans un premier temps qu’une société différente vivait en marge de la sienne. Bien malin sera celui qui le devinera. Tout ici pourtant est affaire de monstre. Les produits sont fabriqués par eux, et vendus à eux exclusivement. Je comprends mieux pourquoi cette adresse est connue parmi la communauté sorcière, leur donnant un endroit sûr où commercialiser leurs philtres les plus puissants, en étant assurés que ceux-ci ne tomberont pas entre les diaboliques griffes de l’avidité humaine. Très peu d’argent semble y circuler d’ailleurs : on y dépose plutôt un artefact magique contre un autre. Cet humain cependant ne semblait pas avoir l’habitude que sa clientèle soit lycanthrope, et la suspicion était de mise de part et d’autre au début de notre échange. Cependant, je ne connaissais que trop bien la lueur qui s'est allumée dans son regard quand j’ai commencé à le questionner sur une éventuelle potion d’invisibilité : c’était la peur. Ainsi il savait des choses. Il n’a pourtant pas voulu me céder si simplement les informations dont j’avais besoin, et c’est avec la désagréable impression de me laisser commander par un humain que je lui ai proposé l’objet que j’avais apporté. Sa clientèle lycanthrope étant clairsemée, et il a eu une moue dubitative. Il ne connaissait pas mon produit ni son efficacité, et quand bien même, il n’aurait que peu d’occasion de le vendre. Ni mon regard jaune ni mes grognements sourds n’ont semblé l’intimider ni l’influencer, ce qui n’a fait qu’augmenter ma frustration de me sentir dominé par cet humain stupide. Comme dans le film, ce petit humain orgueilleux règne sur son ile, sur une communauté de monstres disparates et dangereux. Mais comme dans le film, sa soif de pouvoir et sa suffisance finiront par l’anéantir. J’ai quitté son établissement avec la certitude qu’il détenait les informations que je recherche, et sa promesse de me les donner dès que mon produit aura été vendu et aura prouvé son efficacité. Je jure que si il faillit à sa parole, je trouverai un autre moyen de le faire parler, dusse-t-il être définitif. Et peu importe si cela déplait à la communauté. Je n’y ai de toute manière plus aucun allié.
Zalya
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le 4 nov. 2021

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