Première collaboration de Sautet avec Claude Néron, Max et les ferrailleurs inaugure un partenariat très fructueux, une osmose qui va donner au cinéma de Sautet toute sa singularité. De la même manière qu’il avait commencé, avec Classe tout risque ou L'Arme à gauche par s’essayer au polar, le réalisateur retrouve ici une intrigue de ce type avant de se lancer dans des intrigues plus sentimentales, comédies de mœurs reflets fidèles d’une époque. Alors qu’on retrouvera régulièrement Piccoli et Romy Schneider dans des déclinaisons d’un rôle presque toujours identique, les caractères sont ici marqués, entre le flic ténébreux (au maquillage blafard, lui conférant un visage de clown triste assez effrayant par instants) et la prostituée manipulée.


Max et les ferrailleurs est le récit d’une obsession, celle de l’obtention par le flic d’un flagrant délit, qu’à défaut d’obtenir, il va provoquer. L’observateur passif qui vient toujours enquêter une fois que le mal est fait, coincé entre « d’un côté des ordures, de l’autre des imbéciles », devient donc l’initiateur du coup à venir, dans une schizophrénie admirablement rendue par Max, policier lunaire, hors du monde et progressivement à la dérive.


Le récit tient certes ses promesses, (même si l’on pourra reprocher au final d’être un brin excessif dans son affirmation pathétique) mais c’est surtout dans l’épaisseur des personnages, marque de fabrique de Sautet, qu’il va se déployer réellement. La relation étrange entre Max et Lili, la prostituée qui croit abuser de lui et le manipuler, est le terrain d’une belle intensité où surgissent malgré les personnages un attachement de plus en plus fort. On retiendra particulièrement cette séance photo dans la baignoire, d’une authenticité bouleversante, où le jeu et la spontanéité se mêlent à merveille. De la même manière, Sautet n’a pas son pareil pour restituer les scènes de groupe, et l’exposition de la bande des ferrailleurs est en cela parfaite : fluide, authentique, elle confère à l’ennemi une humanité touchante qui désactive le manichéisme traditionnellement en vigueur dans les policiers. Il n’y a que Sautet pour parvenir à suivre ainsi Romy fendant la foule d’un bar et rejoindre l’homme qu’elle aime, passant d’un occupant à l’autre dans la frénésie de la musique, l’allégresse et la spontanéité collective.


Avant de se consacrer pleinement aux histoires insignifiantes de tout un chacun comme dans César et Rosalie ou Vincent, François, Paul et les autres, Sautet et Neron donnent à leur intrigue toute l’épaisseur nécessaire pour parvenir à émouvoir. Avant que Max ne rejoigne ses proies dans le trou qu’il avait préparé pour eux, il s’est ouvert à leur humanité, même par les détours du mensonge. C’est bien là l’essence même du cinéma de Sautet.


(8.5/10)


http://www.senscritique.com/liste/Cycle_Claude_Sautet/1106493

Sergent_Pepper
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le 5 déc. 2015

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Sergent_Pepper

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