Une certaine Miss Peregrine est à la tête d'un orphelinat pour enfants particuliers, ce simple pitch est déjà une bonne base pour un réalisateur comme Tim Burton, autant dire qu'il était attendu au tournant par beaucoup de monde. Mais alors est-ce que le maître de la fantasy gothique est bel et bien revenu de sa supposée "errance" ?
Clairement oui, Tim Burton est de retour, même si pour ma part il n'est jamais vraiment parti. Il s'est quelque peu égaré mais il n'a jamais vraiment sombré. Je profite d'ailleurs de cette critique pour pousser un petit coup de gueule. J'en ai marre d'entendre par-ci par-là que la seule période où Burton était un véritable artiste c'était les années 90. Au risque de passer pour un cinéphile de pacotille et croyez-bien que je m'en contrefiche, je vais vous livrer le fond de ma pensée.
Burton nous a quand même gratifié depuis 2003 de films comme Big Fish, une fable émouvante, drôle et poétique, d'une adaptation décalée mais réussie de l'excellent roman de Roald Dahl Charlie et la Chocolaterie, d'un magnifique conte gothique et romantique avec Les Noces Funèbres, d'une comédie à l'humour noir avec Dark Shadows, d'un autre film d'animation poignant et fort avec Frankenweenie et d'un biopic tout de même très inspiré avec Big Eyes.
Alors oui il y a bien Sweeney Todd qui demeure un peu faiblard et bien entendu le décevant Alice au Pays des Merveilles, mais tout de même sur neuf films sortis en quinze ans il n'y en a vraiment que deux qui pêchent, c'est tout de même assez mince comme argument pour prétendre qu'un réalisateur s'est complètement perdu dans sa démarche artistique.
Mais Miss Peregrine et les Enfants particuliers alors ? Difficile de ne pas constater que le réalisateur semble très épris de ces personnages. Rien de surprenant là-dedans bien entendu, Burton a toujours aimé les freaks et mettre en scène à travers eux des histoires où l'humanité prime au-delà du bizarre. Une bizarrerie que l'on évoque car elle n'entre pas dans les codes de notre société. C'est là qu'encore une fois la force de Burton se déploie, lui qui après avoir réalisé son premier court-métrage s'est vu viré de chez Disney car jugé trop bizarre justement. Avec Miss Peregrine et les Enfants particuliers, plus qu'avec aucun autre de ses films depuis Edward aux mains d'argent, le réalisateur nous invite à célébrer nos différences et il faut bien avouer que par les temps qui courrent ce message résonne encore plus comme un cri de tolérance.
Le postulat du film est vraiment beau dans la mesure où il est narré avec une passion évidente pour les protagonistes mais aussi parce qu'il s'adresse à un public très ciblé dont les différences sont souvent trop sources de conflits. Tim Burton parle aux ados et aux jeunes adultes pour bien signifier que la simple particularité de quelqu'un peut parfois lui mener la vie dure et qu'il faut avant tout chercher à comprendre avant de juger. Personnellement comme message à adresser je trouve qu'il y a bien moins légitime, même si il est vrai que beaucoup de productions choisissent ce créneau actuellement, c'était par exemple le cas de Zootopie en début d'année 2016 par exemple, sauf que Burton le fait à sa manière et avec son univers à lui. C'est surtout un retour de Burton à ses fondamentaux plutôt qu'un retour d'errance.
Avec sa nouvelle muse en la personne d'Eva Green, un choix que j'applaudis tant cette actrice est fantastique, le réalisateur s'emploie à adapter le roman de Ramson Riggs, que je n'ai pas encore lu. Une appropriation plus qu'une adaptation d'ailleurs, ou bien Riggs écrit du Burton. Quoi qu'il en soit cette Miss Peregrine est un magnifique personnage, teinté de noirceur et pourtant riche d'une incroyable délicatesse qu'Eva Green (déjà parfaite dans la série Penny Dreadful ) incarne avec beaucoup de justesse. Asa Butterfield après un départ réussi sous la caméra de Martin Scorsese avec Hugo Cabret (il y a pire comme début de carrière), montre ici une palette de jeux très intéressante. La jeune Ella Purnell n'est pas en reste non plus. Enfin Samuel L.Jackson s'éclate toujours autant et démontre que les rôles de méchants un peu barjots sur les bords lui vont à ravir.
Notons également que le film est visuellement très beau, si les pouvoirs des fameux enfants n'ont pas de mal à convaincre à l'image, c'est aussi la photographie qui n'est pas traitée à la légère. Les séquences nocturnes sont superbes et les jeux avec les ombres nous renvoient presque à un cinéma expressionniste que l'on ne voit pas assez souvent. Que dire également de cette séquence sous-marine dans l'épave d'un bateau hormis qu'elle est d'une poésie renversante ? Mais Burton se permet également d'aller dans l'hommage, car s'il se cite parfois lui-même à travers le métrage, il nous gratifie aussi d'une séquence à la fois drôle et impressionnante avec des squelettes qui nous renvois directement aux grandes heures de feue Ray Harryhausen sur Jason et les Argonautes en 1963.
En somme Tim Burton s'amuse avec Miss Peregrine et les Enfants particuliers, mais il n'oublie pas pour autant de mettre tout son savoir-faire au service de cette histoire, nous invitant à célébrer nos différences et à briser les barrières. Merci Tim, merci beaucoup !