Elle est très jeune, franchement jolie... et extrêmement dangereuse ! Dissimulant sous un délicat visage d'ingénue des pulsions meurtrières qui vont en faire l'ennemie publique numéro un.
Lui est un homme mûr entre deux âges, avec une tête de monsieur-tout-le-monde au-dessus d'une silhouette tout à fait quelconque. Masquant maladroitement une évidente fatigue de vivre derrière des plissements mi-amers mi-ironiques aux commissures des lèvres et des éclats désabusés dans le regard.
Elle est une aventurière qui multiplie les identités comme les cadavres au hasard des destinations et des rencontres intéressées.
Il est un détective privé au rabais qui sait que son existence n'a été qu'un immense ratage.
Voilà, en définitive, deux êtres en marge à la recherche de leur double respectif. Pour elle, le père qu'elle n'a jamais connu. Pour lui, la fille que sa femme a irrémédiablement arrachée à son affection dès le premier instant de leur rupture.
Dès les premières séquences, en apprenant que lui va devoir enquêter sur ses agissements à elle, on pressent que ce sont des liens hors du commun qui vont se nouer inexorablement entre eux. Des liens très étranges, le plus souvent de l'ordre du télépathique, au fil de la filature menée par le privé. Jusqu'au dénouement, impitoyable et éprouvant...
Elle et lui, ce sont Isabelle Adjani et Michel Serrault dans ce film de Claude Miller qui s'avère une inoubliable balade en terme d'univers cinématographique. Une oeuvre d'une extraordinaire densité dramatique qui offre à ces deux comédiens des rôles d'autant plus magnifiques qu'ils les interprètent de façon magistrale. Michel Serrault, au jeu sobre avec juste ce qu'il faut de désabusé, fait une création éblouissante. Quant à la nouvelle Isabelle Adjani (looks et tourments exprimés) que l'on découvrait alors, bien loin des personnages assez éthérés ayant jalonné sa carrière jusque-là, elle subjugue par le charme vénéneux qu'elle donne à chacune des multiples personnalités qu'elle endosse. Une Adjani aussi enthousiasmante, on ne redemandait !
Claude Miller, au talent reconnu et apprécié depuis ses débuts ("La meilleure façon de marcher") marque encore des points décisifs en terme de cinéaste. Car il fait une nouvelle fois la brillante démonstration de son style. Autant d'originalité dans le propos que d'efficacité épurée dans la mise en images : voilà une assez bonne définition de la Miller façon de filmer !
De quoi être prêt, à la fin de ce film, pour une nouvelle randonnée cinématographique en compagnie de cet auteur mettant ses pas dans ceux des plus grands de sa génération !

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le 24 nov. 2019

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