Après ma critique hommage au magnifique film Notre-Dame de Paris de Jean Delannoy, il est temps de nous plonger dans les diverses versions de cet éternel roman de Victor Hugo, faisant étonnamment vivre notre belle Cathédrale et son parvis, ses toits et le peuple des statues et gargouilles qui contemplent à leurs pieds le grouillement du peuple.


Le producteur Irving Thalberg, le jeune prodige d’Hollywood des années 20-30 est à l’origine du projet d’adaptation du roman français pour le studio Universal Pictures. Nous sommes en 1923 et le parlant n’est pas encore là. Ce film sera le 2nd réalisé sur le sujet – après une adaptation par Albert Capellani en 1911 -.


Les décors représentant la façade de la Cathédrale, ses toits, son parvis et les rues de la Cité ont été reconstitués sur 10 hectares de terrain à Hollywood. Soigneusement conservés pendant plusieurs décennies, ils ont hélas été détruits par un incendie en 1963.


2 000 figurants ont été recrutés afin d’animer le parvis de Notre-Dame et de créer des effets de foule très réalistes, notamment lors de la fête qui ouvre l’histoire. Ceci permet de montrer une folle agitation du peuple de Paris, à travers ses petits métiers, ses badauds et ses gueux de la Cour des miracles dirigés par leur roi Clopin, pas aussi sympathique et chantant que le Clopin de Delannoy, Philippe Clay, mais sombre et calculateur.


Mais le film marque surtout par la vision de Lon Chaney en Quasimodo; l'acteur offre ici une création de freak qui atteint des sommets. Figure et corps cauchemardesques semblant figurer les représentations les plus hideuses que l’on puisse se faire d’un être humain, l’acteur, spécialiste des rôles de personnages difformes pour lesquels il aimait se grimer et se transformer, opère une sidérante métamorphose.
Les prothèses qui sont fixées sur son corps, prennent notamment la forme d’un harnais comportant une bosse et une fausse poitrine, le tout pesant plus de 30 kg ; l’acteur éprouvait une souffrance réelle l’aidant, disait-il à rentrer dans son rôle. Nous avons sans doute là la composition la plus sidérante qui ait été faite du personnage.


Sous le regard médusé de la foule et du spectateur, Lon Chaney - qui possédait, entre autres, des talents d'acrobate - se livre à toute une série d’acrobaties, bondissant de gargouille en gargouille, longeant les corniches et dévalant des toits de Notre-Dame ou encore bondissant sur le Gros Bourdon du clocher.


Mais le monstre Quasimodo dissimule une belle âme sous un abord brutal, méchant dû aux vexations et au mépris que sa vue suscite. Il sera ainsi surprenant de voir le changement d’expression se faire pour la tendresse et l’amour suscités par la vue d’Esméralda


Patsy Ruth Miller est une jolie brunette qui compose une Esmeralda convaincante et émouvante. L’actrice ne fera qu’une brève carrière au cinéma avant de devenir romancière.
Lon Chaney, quant à lui, avait déjà joué dans de nombreux films et s’illustrera encore dans toute une série de personnages étonnants, le plus connu étant Le fantôme de l’opéra de Ruper Julian en 1925. Beaucoup de ses films ont hélas été perdus.
Le film est, sur plusieurs aspects, assez éloigné du roman d’origine.
Ainsi, dans une scène assez surréaliste, Esmeralda arborant la tenue des nobles dames du temps jadis et coiffée d’un hennin, se rend à un bal en compagnie de Phoebus. J’ai pensé un instant que, dans un moment d’égarement, le metteur en scène avait confondu Esméralda avec Fleur de Lys, fiancée de Phoebus. L’arrivée tonitruante – si on peut dire pour un film muet – de Clopin et de ses mendiants, venus réclamer leur « sœur », me confirme qu’il s’agit bien là d’une originalité scénaristique…et c’est loin d’être la seule.


Tourmenté par la passion qu’il ressent pour Esmeralda, Frollo, archidiacre de Notre-Dame se doit d’être un personnage sombre et tourmenté. Il est ici métamorphosé en homme d’Eglise, doux et charitable, donnant asile à Esmeralda dans la cathédrale et protecteur de Quasimodo tandis que son frère Jehan, devient le méchant de l’histoire – peut être dans un but de rendre l’histoire plus « correcte » vis-à-vis de l’Eglise !-.
De même, on pardonnera le happy end final – qui ne touchera cependant pas tous les personnages–.


Les copies originales du film ayant été détruites, mutilées ou détériorées, le film reste très peu visible jusqu’en 2005, moment où le peintre- restaurateur de films David Sheppard retrouve par hasard une copie intacte et intégrale. Très bien restauré par Universal, le film est aujourd’hui tombé dans le domaine public…Il est incontournable.


Critique de la version de Jean Delannoy :
https://www.senscritique.com/film/Notre_Dame_de_Paris/critique/107098653

Créée

le 8 mai 2019

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