Deuxième adaptation ciné du célèbre roman de Victor Hugo,bien antérieure à celles de Delannoy,Dieterle,Timsit et même,qui l'eût cru,à celle de Plamondon.C'est du muet,c'est en noir et blanc,c'est avec Lon Chaney.Le film est parfois confus bien qu'on parvienne globalement à suivre l'histoire.Ce n'est pas vraiment étonnant dans la mesure où il s'agit ici d'une version d'une heure vingt,alors qu'à l'origine le film durait environ deux heures.C'est souvent comme ça avec les oeuvres très anciennes.Des bobines se perdent,de la pellicule est abîmée et devient inutilisable,ce qui aboutit à des métrages considérablement raccourcis.D'ailleurs,certains personnages,tels que Gringoire ou Fleur de Lys,sont présents mais largement escamotés.De toute façon,il est difficile d'adapter dans son ensemble le foisonnant livre d'Hugo,et les auteurs sont toujours obligés de condenser.Le réalisateur est le très oublié Wallace Worsley,qui a beaucoup travaillé avec Chaney et est sans doute,avec Tod Browning,le meilleur cinéaste qui l'aie fait tourner.Bénéficiant de gros moyens,doté d'un solide sens du baroque et de la démesure,il signe un film très réussi visuellement.Les décors sont impressionnants et on a l'illusion que les prises de vue ont été effectuées à Paris.C'est probablement faux,et c'est encore plus fort.Du reste,toutes les scènes utilisant la façade de la cathédrale sont incroyables.Usant de plongées et de contre-plongées vertigineuses,Worsley enregistre les acrobaties de son acteur vedette sur les gargouilles du bâtiment sans qu'on ne décèle de trucages.S'il n'y en a pas,la performance est bluffante et s'il y en a,c'est encore plus étonnant.Le scénario développe un argument mélodramatique reposant sur un curieux fond de bondieuserie et d'ultra-gauchisme mélangés.Il est vrai qu'à bien y réfléchir les deux croyances ne sont pas si éloignées qu'on pourrait le penser.Une bohémienne idiote et pas particulièrement jolie affole tous les mâles du voisinage sans qu'on comprenne trop pourquoi,tandis que la révolte gronde chez le petit peuple.Le tout à l'ombre de Notre-Dame,où officie le très bon et très avisé archevêque de Paris.Lequel est hélas flanqué d'un frère très méchant,Jehan l'alchimiste,qui est comme par hasard un prêtre défroqué.Vous les reconnaîtrez facilement:le gentil est toujours tout de blanc vêtu,et l'autre est constamment habillé tout en noir.Que de subtilité!Les intertitres semblent avoir été écrits par un militant du NPA.Il en ressort que le roi Louis XI est une franche ordure et que tous les riches,notamment les aristos,ne pensent qu'à exploiter la misère de la population.Si tout n'est pas inexact là-dedans,ça manque tout de même singulièrement de nuance.D'autant que le peuple opprimé qu'on nous présente est celui des voleurs,mendiants,escrocs et autres assassins zonant dans la Cour des Miracles.Pas vraiment des travailleurs exploités,a priori.Quant à leur chef,le redoutable Clopin,il apparait carrément comme une préfiguration de Danton ou Robespierre,rien de moins.Et Lon Chaney dans tout ça?Eh bien,le roi du maquillage était né pour rencontrer le personnage de Quasimodo.Il livre dans le rôle du hideux bossu au fond pas si méchant une de ses plus grandes interprétations,révélant pour l'occasion une force physique et des qualités d'acrobate hors du commun,tout en traduisant avec talent les fluctuants états d'âme du monstre gentil.Armé d'un stock très fourni de costumes,d'accessoires,et d'une nombreuse figuration,Worsley fait décoller son film lors des folles et spectaculaires scènes finales montrant l'attaque de la cathédrale et sa défense par Quasimodo.