Aging mule
Alors qu’il n’avait plus joué devant sa propre caméra depuis 10 ans (Gran Torino), laissant la place à d’autres personnage en phase avec sa représentation bien trempée du héros à l’américaine, Clint...
le 24 janv. 2019
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Earl Stone,vieil horticulteur ruiné,accepte de convoyer de la drogue pour le compte d'un cartel mexicain,mais le gang a la DEA sur le râble.Clint Eastwood produit le film avec sa compagnie,la Malpaso,le réalise et joue le premier rôle,ainsi qu'il en a l'habitude.Il adapte ici une histoire vraie adaptée d'un article du New York Times pour en tirer un de ces films crépusculaires et introspectifs dont il s'est fait une spécialité depuis qu'il s'enfonce dans le grand âge,il a 88 ans à la sortie de "La mule",à la manière d'oeuvres précédentes telles que "Gran Torino" ou le "Une nouvelle chance" de Robert Lorenz.Plusieurs aspects interviennent ici.Ca commence par une présentation de l'abandon et du dénuement générés chez les personnes âgées par l'avènement des technologies et la crise économique.Earl fait partie de ces perdants du Système,ces gens qui ont servi leur pays,c'est un vétéran de la Guerre de Corée,qui ont bossé dur toute leur vie,c'est un passionné de son métier,qu'il exerce avec talent et de manière artisanale,pour finalement se retrouver sans un rond et expulsé de sa maison après qu'Internet ait détruit son secteur d'activité comme bien d'autres.Ensuite le film tourne au polar classique,avec ces transports de came et ces policiers cherchant par tous les moyens à les repérer.Mais à la longue l'histoire se focalisera sur son vrai sujet,le bilan de la vie et ce qu'il entraîne de remords,de regrets et de culpabilité.Car Earl n'est pas précisément un héros sympathique.C'est même plutôt un pauvre type qui a toute sa vie négligé sa famille.Certes,il a fait ce qu'il fallait,il n'a jamais abandonné les siens et a toujours beaucoup travaillé pour nourrir sa femme et sa fille,mais il n'était pas souvent présent,et ce n'était pas que pour des raisons professionnelles.Il traînait dans les bars avec ses potes,il fréquentait assidument les soirées dansantes et participait à de nombreux concours d'horticulture,appréciant la gloriole obtenue lorsqu'il les remportait.Ses absences répétées ont eu raison de son mariage et de sa relation avec sa fille,qui ne veut plus lui parler.Et puis le temps est passé,il est devenu vieux,son métier a disparu et le voilà seul et miséreux.Dans ces conditions,la proposition d'emploi des truands est pour lui une aubaine.Il sillonne l'Amérique au volant de son pick-up,engrangeant des sommes importantes,et il ne tarde pas à devenir la coqueluche de la bande car son âge et son allure de redneck moyen le rendent insoupçonnable et lui permettent d'échapper à tous les contrôles.Il est rusé et consciencieux,ce qui lui vaut d'hériter de chargements de plus en plus importants,mais l'étau policier se resserre sans qu'il le sache.Insouciant,il se laisse aller à son imbécilité naturelle,dépensant de façon peu discrète l'argent dont il dispose maintenant à foison et se payant des nuits d'orgie avec des putes.Le film analyse habilement l'évolution des rapports humains.Earl a au départ des relations tendues avec ses employeurs,des types volontiers paranos,déformation professionnelle,qui se méfient de ce gringo à moitié sénile.Mais à force de se fréquenter,les hommes sympathisent,au point qu'Earl esquisse un embryon de lien père-fils avec le jeune flingueur excité chargé de le surveiller.Même les tueurs impitoyables qui doivent le punir se laissent attendrir par les motivations du vieillard,car ça concerne la famille,celle qu'Earl a trop longtemps sacrifiée à des chimères,et la famille est au fond la seule valeur qui puisse réunir tout le monde,les gangsters,les flics ou les gens ordinaires comme Stone."La mule" est l'histoire d'un gars qui est un vestige d'un monde disparu et qui réalise trop tard qu'il a tout raté en passant à côté de l'essentiel.Avant de disparaître lui-même,il tentera de réparer ses torts autant que possible.Il est rongé par la culpabilité et c'est ce que signifie sa décision de plaider coupable devant le tribunal.Cet aveu de culpabilité concerne moins ses entorses à la Loi que son comportement vis-à-vis de sa famille.Le film a quelques défauts et manque souvent de nerf avec ses répétitifs voyages automobiles longuement étalés et ses développements qui tardent à venir.Eastwood l'acteur en fait un peu trop dans le genre délabré avec sa claudication,sa façon de chercher ses mots et sa diction incertaine,d'autant qu'il retrouve une étonnante énergie quand il s'agit de troncher de la salope.Il est entouré d'une très solide distribution comprenant Bradley Cooper,Michael Peña et Laurence Fishburne en agents fédéraux pugnaces,Andy Garcia en caïd de la drogue décontracté et une tapée de latinos à sale gueule dont émerge l'inquiétante bobine de l'indispensable Robert LaSardo.Le rôle de la fille de Stone échoit à la véritable fille d'Eastwood,Alison,foutrement belle et très convaincante dans un personnage dont on se demande à quel point il se dissocie de l'existence réelle des acteurs.Clint a eu une vie sentimentale agitée et ses enfants n'ont pas dû beaucoup le voir à cause de son boulot,du coup ses scènes avec Alison ressemblent étrangement à une autocritique.D'ailleurs,il a beaucoup joué les pères indignes en délicatesse avec leur progéniture ces dernières années,notamment dans les films cités plus haut.Grosse faiblesse du casting en revanche que la présence de Dianne Wiest,ancienne actrice fétiche de Woody Allen,en ex d'Earl,car son jeu maniéré et forcé gâche légèrement l'ambiance.
Créée
le 25 mars 2021
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