Violence et pulsions primaires comme seuls moyens de survie...
Alors que la famine fait rage, deux femmes vivent et se nourrissent en attirant et achevant des samouraïs blessés qu'elles jettent dans un trou profond et noir, puis en revendant ce qu'ils portent au marché noir.
Dès les premières secondes Kaneto Shindō nous emmène dans les hautes herbes où sévissent les deux femmes, l'une vieille et l'autre plus jeune, sa belle-fille. Des hautes herbes constamment en mouvement, sauvage et entourant des humains essayant de survivre, que ce soit les deux femmes ou les samouraïs qu'elles tentent de piéger. Des hautes-herbes abritant un trou absorbant la vie des samouraïs.
C'est avec simplicité et sans lourdeur que Kaneto Shindō met en place son récit, d'abord les deux protagonistes féminins avec une relation faite à base de survie et de violence avant qu'un homme intervienne, que la violence s'intensifie et que la peur, le plaisir de la chair ou encore la frustration prennent place. Des éléments bien maîtrisés par le réalisateur, qu'il introduit au récit sans lourdeur et en nous y intéressant et avec toujours le spectre des hautes herbes et du trou, personnage à part entière du film.
Il met en place une atmosphère étouffante, effrayante, envoûtante et sensuelle, qu'il sublime avec une excellente utilisation de la musique et de divers bruits (vent, cris...) . Sa maîtrise derrière la caméra est brillante et plusieurs scènes restent gravées dans les mémoires à l'image des longs travellings dans les champs, les visages derrière les masques ou les apparitions des "démons", souvent sous une pluie battante. Il joue aussi avec le contraste de la photographie en noir et blanc, participant à la noirceur et l'atmosphère du film, créant des tableaux puissants et symboliques.
Un conte où la morale n'existe plus dans des terres dévastées par la guerre et où règnent la violence et les pulsions primaires comme seuls moyens de survie. De bout en bout maîtrisé par Kaneto Shindō, ce dernier met en place un récit angoissant, étouffant et inoubliable.
(Thanks to Sergent Pepper)