Après le film de prison (Les Poings contre les murs) et celui d’une cavale criminelle particulièrement réussie (Comancheria), David Mackenzie explore un nouveau genre qui lui permet un retour au bercail : soit l’histoire mouvementée de l’Ecosse en 1304, et de sa lutte pour préserver son indépendance face au mastodonte dominateur qu’est la couronne britannique.
C’est donc au classicisme que s’essaie le réalisateur, et force est de constater qu’il embrasse la cause avec talent. Dans ce récit qui fera beaucoup penser à l’épopée Braveheart, tous les ingrédients inhérents au genre seront dispensés : musique locale, paysages sublimes (les prises de vues aériennes ont d’ailleurs tendance à la redondance et sont disséminées de manière un peu trop mécaniques, quand bien même elles sont superbes), héroïsme d’un individu fédérant les foules, dosage savant entre l’intime et le collectif, batailles violentes.


La qualité principale de l’œuvre est de mener avec efficacité toutes ces tâches. La reconstitution est indéniablement de qualité, le jeu des comédiens tout à fait convaincant, avec une mention spéciale pour le rôle de l’épouse Elisabeth, enseignant à son mari l’art de la séduction avant d’apporter à sa cause une intensité qui la complète pleinement. Florence Pugh, déjà remarquée pour l’intensité de sa prestation dans The Young Lady, convainc dans cette posture qui joue davantage sur sa présence que sur des gesticulations inutiles.


Car c’est ce souffle qui permet au film de trouver sa ligne : Mackenzie, s’il montre clairement qu’il sait manier la caméra (en témoigne ce beau plan séquence initiale qui distribue avec virtuosité trois lieux d’enjeux narratifs, la tente royale, le duel des frères ennemis et le champ de bataille à grande échelle), s’échine surtout à restituer une identité à un peuple, légitimant ainsi la cause qui sera la sienne. De ce point de vue, le rythme savamment dosé alterne entre scènes de bravoure, de cruauté et de vie quotidienne (les chants, les feux domestiques, l’amitié et les relations belle-mère/fille), prenant soin de camper un personnage d’abord caractérisé par sa passivité. Chris Pine joue ainsi une partition en retrait, encaissant les humiliations et les compromis dans une perspective qu’il pense attribuer à la sagesse et au pragmatisme, avant de laisser la braise de la révolte s’épancher. Le fait que la première heure accumule surtout les échecs permet aussi à cette quête de prendre du sens, restituant la brutalité, le déséquilibre et crédibilisant le sentiment d’injustice dans un monde où la loi s’écrit par le plus fort.


Les atouts de cette combustion lente et de cette capacité à redonner un souffle à l’épopée (même en 2018, et même, comble de la tristesse, à l’écart des grands écrans par la grâce de Netflix) accroissent une exigence qui en sera un peu pour ses frais sur la fin du récit. Une grande bataille assez peu lisible, qui transforme en bouillie les corps comme le montage, et un épilogue sur une plage en travelling circulaire dont on se serait vraiment passé viennent un peu ternir l’appréciation générale, mais ne gâchent pas pour autant le sentiment agréable de voir se pérenniser un cinéma historique de qualité, classique et convaincant.

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le 10 déc. 2018

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Sergent_Pepper

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