Les comédies populaires et le snobisme

Ce film a bien besoin d'être réhabilité, à cause de son statut de comédie populaire française qui l'a automatiquement relégué au rang de "film au ras-des-pâquerettes pour beaufs de droite" auprès de la populace snobinarde, bobo et/ou pseudo-cinéphile.

De l'époque d'Audiard à aujourd'hui, ça a toujours été difficile d'être un film français, une comédie ou un film qui a reçu un succès public. Quand on cumule les trois, c'est la catastrophe. À moins de stipuler que c'est un "pêcher mignon" que d'aimer le regarder, vous êtes automatiquement pris pour un péquenaud.

Ce phénomène est hérité de la très mauvaise influence de la Nouvelle Vague qui a instigué ce rejet du cinéma de papa… Louis de Funès en a été victime (Télérama s'en est presque hypocritement excusé dans un récent hors-série). Quarante ans après, ça continue : Kad Mérad, Dubosc, Dany Boon et son film très honorable "Bienvenue chez les Ch'tis"… Bien sûr je ne dis pas que tous sont des génies incompris, je veux juste réveiller un peu l'esprit critique et objectif de mes concinéphiles et les faire avouer que certaines de nos comédies valent bien Judd Apatow.

En ce qui concerne Podium, n'oublions pas qu'il a été commis par Yann Moix, intellectuel qui, quoiqu'il soit assez con sur certains sujets (voir son livre hélvétophobe et pathologique "La meute"), reste un type assez intelligent et cultivé. Quant à Benoît Poelvoorde, à peu près tout le monde d'honnête reconnaît que son rôle de clown dépressif et tyrannique est souvent excellent. C'est le cas ici.

Pour faire simple, Yann Moix met en scène Bernard Frédéric, un type qui n'aime pas sa vie. Il est banquier, surendetté (ironie du sort), et surtout, sa femme l'empêche de vivre sa passion, qui consiste à se prendre pour son idole : Claude François.

Elle l'en empêche pourquoi ? Parce que dès qu'il endosse son costume pailleté, il devient une bête de scène, certes, mais aussi un odieux personnage, imposant et incontrôlable, qui tutoie et insulte tout le monde, et adultère pour couronner le tout.

Dès lors, on comprend pourquoi ce Bernard Frédéric a cette envie compulsive de se prendre pour Cloclo. Son alter ego lui permet de réaliser tous les fantasmes basiques de l'homme : le succès, le fric, les femmes, mais dans une version factice et minable.

C'est un film très juste sur le pourrissement de notre société, peuplée de pauvres types paumés dans la société du spectacle. Dommage que le cas des femmes ne soit pas effleuré et que le personnage de Julie Depardieu soit si victimisé et angélique. Et surtout, que la happy end voit Bernard Frédéric renoncer à son double maléfique pour reprendre la vie d'une famille solide et durable, chose qui était pourtant déjà irréaliste en 2004 dans notre société.

Mais après tout, c'est un film populaire. Il y a du spectacle, c'est drôle, touchant, et ça a l'audace de rendre hommage à l'excellente variété française de l'époque Salut les Copains, avec beaucoup de Claude François, du Julien Clerc ou encore du Sheila. Dommage que Sardou soit aussi maltraité…