coup de coeur
Ce film est clairement un de mes deux coups de cœur du mois d'avril et même de ce début d'année. L'idée du réalisateur de s'intéresser à Forbach et de recueillir tous ces témoignages est excellente...
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le 1 mai 2017
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Le retour. Fruit du désir qu'un déplacement dans l'espace permette l'équivalent d'un bond en arrière, dans le temps... Or on sait, depuis Ulysse, qu'un tel rêve est voué à l'inaccomplissement ; et encore le héros antique a-t-il eu l'immense chance de retrouver vivante sa Pénélope ; et fidèle...
Les lieux ne manifestent pas nécessairement tant de constance. Pour le réalisateur Régis Sauder, cette expérience d'inadéquation a précédé, puis motivé, ce voyage de retour vers le lieu de l'enfance. C'est en apprenant l'incroyable montée du vote FN dans la petite ville du bassin houiller de Lorraine qui l'a vu grandir que l'ancien enfant, devenu professionnel de l'image, décide de braquer ses objectifs sur ce lieu intime, afin de tenter de comprendre son évolution.
S'entremêlent ainsi la voix et le regard très personnels du réalisateur, audible en off et auquel s'adressent nommément ses interlocuteurs, et des témoignages d'amis ou de fréquentations d'enfance, retrouvés : une directrice d'école, revenant régulièrement devant le champ où se dressaient autrefois les HLM dans lesquels elle demeurait avec ses parents ; son regret que son père n'ait pu véritablement connaître la profession à laquelle elle a accédé. Un ouvrier de nuit, déplorant l'insignifiance de son salaire et l'évolution qui marque les nouveaux enfants issus de l'immigration, enfants desquels il a aussi fait partie, mais qu'il compare à des "Bisounours", en regard des adolescents actuels et des paroles incroyablement violentes qu'ils profèrent dans leurs chants. Un homme d'âge mûr, qui regrette de ne plus rencontrer de solidarité qu'à la mosquée. Une femme, qui ne fréquente plus ce lieu de culte, depuis les attentats de 2015, car, remarque-y-elle, "on ne sait à côté de qui l'on prie". Une tenancière de bar, qui tente d'expliquer, si ce n'est d'excuser la montée du FN en tirant à boulets rouges sur les politiciens en place. Par delà le morcellement de ces témoignages transpire une douleur commune, un désarroi.
A ces regards tournés vers ceux qui sont restés à Forbach, R. Sauder superpose celui, intime, qui revient vers ses parents, son père surtout, vers sa maison d'enfance, maison éviscérée de tous ses souvenirs accumulés, lorsque la maladie paternelle nécessite qu'elle soit mise en vente. Des vues poétiques, nostalgiques, sont parfois mêlées au récit, déposées là par cet ancien enfant qui sait mieux que quiconque quels sont les aperçus qui ont inscrit en lui l'amour de ce lieu. Telle cette vision incroyable des croix du cimetière, sur le fond pauvre des immeubles modestes, peints aux couleurs des nuages par une sorte d'humour noir involontaire. Vues diurnes, ou nocturnes, des soirs de matchs, lorsque toute la ville bariolée semble s'être déversée dans ses voitures, pour hurler par les fenêtres ouvertes une victoire qui paraît encore plus glorieuse que celles qui furent remportées contre le redoutable voisin germanique.
Si bien qu'au terme de cette plongée dans Forbach retrouvé, alors que les accords déchirants d'un groupe de métal local, Deficiency, ont explosé de plus en plus rageusement la bande son, les ténèbres se sont assemblées avec d'autant plus d'opacité sur la petite cité lorraine, sur sa mine à l'arrêt, et sur son inviolable droit au mystère.
Créée
le 19 mars 2017
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