L’armée décombre.
Lorsqu’il se frotte à l’Histoire, Verhoeven ne cède jamais au vernis figé de la reconstitution ou du manichéisme propre à la légende. On l’a déjà constaté dans le XIXème de Katie Tippel, on le...
le 23 mai 2016
25 j'aime
1
Lorsqu’il se frotte à l’Histoire, Verhoeven ne cède jamais au vernis figé de la reconstitution ou du manichéisme propre à la légende. On l’a déjà constaté dans le XIXème de Katie Tippel, on le retrouvera dans le Moyen-âge de La Chair et le Sang, et même dans l’histoire d’un futur épique dans Starship Troopers : le décapage est encore plus savoureux lorsqu’il évoque les travers humains dans une perspective universelle.
Soldier of Orange commence comme un film d’amis, à la manière de Spetters : variété des caractères dans une ambiance décadente avant même l’invasion nazie, lors d’un préambule de bizutage universitaire qui d’emblée égratigne les figures héroïques à venir, dans une ambiance assez proche de celle dépeinte par le If… d’Anderson.
Par bien des aspects, le film est le pendant masculin de ce que sera le très féminin Black Book : une plongée dans la Résistance et une saga retraçant le destin d’un pays malmené jusqu’à sa libération, et le règlement de comptes qu’elle occasionnera.
Dans un esprit fidèle à ses premiers films (on pense à ce burlesque un peu cradingue qui irrigue beaucoup Turkish Delice, voire Le quatrième homme), le cinéaste se plait à représenter des individus en pleine jeunesse bien avant d’en faire des héros. Maladroits, gaffeurs, obsédés sexuels, les scènes se multiplient pour éviter l’hagiographie, comme celle où la Reine de Hollande assiste, dans l’embrasure d’une fenêtre, à un coït de ses ouailles. La croix de fer se trouve jetée en pâture à des prostituées ivres, le traître meurt dans les latrines… A l’opposé absolu de l’âpreté sacrificielle de L’Armée des ombres, Verhoeven ne cesse d’affirmer cette évidence : quelle que soit la période, l’homme ne cesse d’en être un.
Un autre thème permettant d’illustrer cette vanité inhérente à la civilisation se retrouve dans la permanence de la fête : pour rentrer en Hollande depuis l’Angleterre, il faut passer par des soirées avinées, et le pays semble se vautrer dans une orgie permanente qui permet une infiltration en douceur, jusqu’à ce morceau de bravoure qu’est le tango entre les anciens frères désormais séparés par des choix idéologiques.
Tout ne relève pas pour autant de la farce, et c’est là l’intelligence du cinéaste : en humanisant ses figures, en déclinant les choix possibles entre les six amis d’origine face à la violence de l’Histoire (car il n’épargne pas non plus les sacrifices, la torture et les renoncements), Verhoeven parvient à ce regard singulier qui traverse toute sa filmographie : lucide, cynique, mais en réalité d’une profonde empathie.
http://www.senscritique.com/liste/Cycle_Paul_Verhoeven/1018027
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Historique, Guerre, Dénonciation, Intégrale Paul Verhoeven et Les meilleurs films de Paul Verhoeven
Créée
le 23 mai 2016
Critique lue 1K fois
25 j'aime
1 commentaire
D'autres avis sur Soldier of Orange - Le Choix du destin
Lorsqu’il se frotte à l’Histoire, Verhoeven ne cède jamais au vernis figé de la reconstitution ou du manichéisme propre à la légende. On l’a déjà constaté dans le XIXème de Katie Tippel, on le...
le 23 mai 2016
25 j'aime
1
"Le Choix du Destin", transcription un peu ringarde du titre original "Soldaat van Orange" (Soldier of Orange), est pour moi le plus grand film sur la seconde guerre mondiale, à tel point qu'il m'a...
Par
le 9 mai 2013
22 j'aime
6
Avant Black Book, l’immense cinéaste Paul Verhoeven avait signé Soldaat van Oranje son 1er film sur les Pays-Bas durant le 2nde GM ; du cinéma grandiose, vibrant avec des personnages bien campés par...
Par
le 9 déc. 2015
7 j'aime
9
Du même critique
Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...
le 6 déc. 2014
774 j'aime
107
Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...
le 14 août 2019
715 j'aime
55
La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...
le 30 mars 2014
618 j'aime
53