Heureusement, et comme souvent, l'affiche vous ment, "Steak" n'est pas une comédie avec Éric et Ramzy, ça on s'en fout, mais le premier chef-d’œuvre de Quentin Dupieux, et là on ne s'en fout plus du tout.
On ne s'en fout pas car il y a dans le monde sclérosé de la comédie française un avant et un après Oizo. Le garçon, vénéré par les uns et détesté par les autres, fracasse les limites de l'absurde et du surréalisme, décide qu'une comédie ne doit pas forcément être moche et filme "à l'américaine", crée un univers où le rire côtoie le désespoir, où la folie, le basculement affleurent en permanence. Chez Dupieux le délire est autant source d'inquiétude que de plaisir.
Son cinéma sent le labeur, le moindre mouvement de caméra, la moindre vanne, la moindre note de musique, tout est réglé au millimètre. Sous la folie apparente, les génies du rire ont toujours répondu à une mécanique de précision, et en bon artisan, le Quentin a assimilé les règles et les applique à la lettre.
Il ne faut pas se mentir, on est dans du cinéma inconfortable donc clivant, le conseiller c'est risquer des remerciements éternels ou des portes dans la gueule. A la question " Par quel Dupieux commencer ? ", je n'ai jamais su répondre. "Steak" est probablement le plus facile d'accès mais certainement pas le plus intéressant, même si ce deuxième visionnage m'a conforté dans l'idée que c'est réellement un film formidable; et sur une île déserte ce sont "Wrong" et "Rubber" que j'emmènerais, tant ils érigent le non-sens au rang d'art total.
Vous l'aurez compris dès le début de ma bafouille, le "phénomène" Éric & Ramzy m'a toujours un peu échappé, même si je reconnais au premier un certain talent. Mais ici, très vite, la volonté d'effacement ( L'affiche dit tout ) et la puissance de l'univers du réalisateur prennent le dessus, le duo s'évapore au profit d'un autre, celui, lunaire, formé par Blaise et Georges, complété par la bombe Jonathan Lambert et le funambule Sébastien Tellier.
Affranchi des contraintes économiques, le Parisien confirmera un autre de ses talents, celui du casting : la Galaxie Dupieux sera plus tard peuplée de Stephen Spinella, Roxane Mesquida, Jack Plotnick ou encore Marilyn Manson.
“ On était comme frère et sœur, Georges ! ”
Chivers ! Chivers !