At last.
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le 10 févr. 2013
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La nuit dévore les femmes. Dans l’ombre, un prédateur invisible sévit. Tumulte de la ville, quiétude des banlieues, nul ne semble réellement à l’abri, pas plus que cette menace n’a de visage. Mais dans le monde de la nuit, les règlements de comptes priment, et on ne peut se frotter à n’importe qui.
Nous pourrions presque considérer le polar sud-coréen comme un sous-genre à part entière, tant il semble suivre ses propres codes, le différenciant des polars à l’américaine ou à la française, et lui permettant d’aller emprunter à d’autres genres. Memories of Murder a, probablement, été l’un des premiers à montrer la voie et est l’un des plus illustres représentants du polar coréen, empruntant au Seven de David Fincher dans son style, tout en nourrissant une réelle réflexion à propos de la politique coréenne de sa société. Les films coréens les plus célèbres en France sont souvent dans cette veine, avec des personnages torturés, une atmosphère sombre et le développement de messages politiques derrière. The Chaser ne fait pas exception à la règle.
The Chaser est une affaire de justice dans un univers où la notion même de justice est toute relative. Un mac, anciennement policier, tente de faire inculper un psychopathe par une police elle-même en pleine déroute et en incapacité de mener l’affaire correctement elle-même. Ici, tout est imparfait, tout semble aller de travers. Dans ce film, Na Hong-jin ne cesse de prendre le spectateur de court et de jouer avec ses propres convictions. Naturellement, nous sommes tentés de prendre parti pour le « héros », nous voulons le voir mettre un terme aux agissements du meurtrier. Pourtant, quelles peuvent être les véritables motivations d’un homme qui exploite des femmes et qui se met à la poursuite d’un autre homme qui assassine ces dernières ? The Chaser ne cesse de brouiller les pistes alors que pourrait être évident et simple, brutalisant ses personnages et le spectateur, réussissant dans le même temps à donner de la consistance au récit sans jamais s’égarer.
L’esthétique globale du film reste très froide, faisant appel aux sentiments de peur et de désespoir, tout en ne lésinant pas sur la violence, autant psychologique que physique, pour ajouter une légère couche de crasse à un tableau déjà bien peu glorieux. L’opposition est intéressante, entre, d’un côté, l’individu peu vertueux, voire véreux, mais aux intentions a priori louables, et, de l’autre, l’individu d’apparence irréprochable et, pourtant, extrêmement dangereux. Ces deux paradoxes ambulants synthétisent à eux seuls la paranoïa ambiante, qui accable tous les personnages. Une paranoïa symptomatique d’un système friable et que l’on n’a de cesse de défier, à l’image de la police, toujours tournée en ridicule et incapable de prendre les choses en main. Corruption, contournement des lois, incompréhension entre les différents services et juridictions, The Chaser fait un véritable pied de nez à la police en choisissant comme meneur d’enquête un ancien policier passé de l’autre côté en devenant un mac.
Enfin, le film de Na Hong-jin cache, en arrière-plan, derrière la surcouche ayant attrait à l’intrigue policière, des sentiments plus humains, comme l’amour. Malgré son aspect violent et rugueux, le film s’avère par moments sentimental, sans faire preuve de sentimentalisme, invoquant les sentiments et les émotions avec parcimonie, mais juste assez pour apporter une dimension poétique à l’oeuvre. Et il va sans dire que la qualité de The Chaser ne fait aucun doute. Prenant de bout en bout, il explore divers sentiers, multipliant les ambiguïtés et laissant le spectateur en proie à de nombreux questionnements quand au destin de l’affaire et des personnages. Pas de place pour l’évidence ni pour un récit lisse, Kim Yun-seok et Ha Jung-woo sont impeccables, s’affrontant dans un duel jusqu’au-boutiste où chacun se complète parfaitement. The Chaser est un polar gris, froid, désespéré, paranoïaque, qui étouffe le spectateur, tout en cachant en lui un profond sentiment de tristesse et de mélancolie. Un modèle du genre.
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le 21 mars 2019
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