M. Night Shyamalan est un réalisateur qu’on ne pensait jamais voir renaître de ses cendres. Et pour cause, après une période qui lui a été plus que favorable (enchaînant Sixième Sens, Incassable, Signes et Le Village), le réalisateur indien a très vite perdu son public en présentant des projets trop farfelus (La jeune fille de l’eau, Phénomènes) avant de s’abandonner aux blockbusters sans âme (Le dernier maître de l’air, After Earth). Non, rien ne prédestinait le cinéaste à revenir sur le devant de la scène ! Et pourtant, son nouveau long-métrage, aussi étrange qu’il puisse paraître venant de sa part (et nous allons voir pourquoi), lui offre l’occasion de crier haut et fort qu’il est toujours là à proposer des divertissements tenant diablement la route.
Si le film ne mettra pas tout le monde d’accord (et je veux bien le comprendre), il faut reconnaître qu’avec The Visit, Shyamalan montre à quel point il est un cinéaste intelligent. Car au lieu de continuer sa déchéance en cumulant des films de commandes pour gros studios, le réalisateur a préféré revenir à un cinéma plus personnel. Celui du thriller mettant mal à l’aise le spectateur car pointant du doigt la peur de l’inconnu. Après les fantômes (Sixième Sens), les pouvoirs (Incassable), les extra-terrestres (Signes) et les démons (Le Village), ce nouveau film traite de la peur des personnes étranges (ici atteints du syndrome d’état crépusculaire – je vous laisse vous renseigner). Et le tout en restant le plus indépendant possible afin d’avoir un contrôle certain sur son projet, se permettant de s’associer avec le producteur low cost Jason Blum (Insidious, Sinister, American Nightmare…) et de s’essayer à un tout nouveau style de mise en scène (le found footage). Un projet bien culotté qui a littéralement porté ses fruits, non sans quelques maladresses.
Que ceux qui s’attendent à un film d’horreur comptant effrayer le public par à-coup, passez votre chemin : vous vous êtes trompés de long-métrage ! Shyamalan n’a jamais été du genre à faire peur via le sursaut musical ou l’apparition soudaine de quelque chose à l’écran. Non, le réalisateur, lui, préfère se concentrer spécialement sur l’atmosphère de son film ainsi que sur le vécu de ses personnages. Et The Visit ne déroge pas à la règle. Outre quelques jump scares (très efficaces soit dit en passant), le cinéaste ne tombe jamais dans la facilité pour livrer ce qui se révèle être un divertissement angoissant plutôt efficace. Alors oui, il faut bien avouer que le récit peine à démarrer et à intriguer (un frère et une sœur passant une semaine chez leurs grands-parents). D’autant plus que le choix du found footage peut paraître anecdotique au premier abord. Mais le dernier Shyamalan étonne par sa maîtrise d’écriture et de mise en scène.
Partant donc d’un postulat peu engageant, The Visit dérive doucement mais sûrement vers le thriller paranoïaque aux multiples rebondissements, revenant à l’habituel twist final dont le réalisateur est si coutumier. Tout comme les deux personnages principaux, les événements vont vous intriguer. Vont vous inquiéter. Et surtout vont vous faire dresser les poils sur la tête une fois que le climax pointe le bout de son nez. Cela, Shyamalan le fait en racontant son histoire de la manière la plus simple possible, à travers les yeux d’enfants naïfs. La tension ne cesse d’augmenter, même avec quelques touches d’humour noir inattendues mais bienvenues. Et si le film ne semble rien inventer, il n’a cependant jamais prétendu le faire, se présentant pour le coup comme un thriller efficace et allant (à son rythme) droit à l’essentiel.
Quant au found footage, il est grandement justifié, bien que les premières minutes laissaient penser le contraire. Et pour cause, la première partie du film fait penser que Shyamalan a choisi ce style de mise en scène sans en comprendre l’essence (à savoir faire croire en la crédibilité de ce qui est filmé). Montage hautement visible au point de proposer des panoramas n’ayant aucun lien avec l’histoire, générique au début du long-métrage, apparition de chapitres, musiques par moment… tout semble avoir été fait pour exécuter un doigt d’honneur au genre. Pourtant, il s’agit-là de la preuve du talent du cinéaste, qui par une simple pirouette scénaristique (l’héroïne réalisant un documentaire), parvient à surmonter les codes du found footage tout en conservant cette impression de réalisme. En faisant cela, Shyamalan permet au spectateur de se rapprocher des personnages, interprétés par des comédiens s’amusant comme des petits fous, et d’entrer dans son récit de manière crescendo.
Pour sûr, The Visit en déroutera plus d’un et ne convaincra pas tout le monde pour son parti pris de jouer la carte de la simplicité la plus totale. Malgré cela, M. Night Shyamalan tire son épingle du jeu en livrant un divertissement angoissant de bonne facture. Certes, ce n’est pas son meilleur film et il y a encore du chemin à parcourir avant de revenir à Sixième Sens et consorts. Mais le savoir-faire est là, aussi bien du point de vue scénaristique que technique, faisant de The Visit une bien bonne surprise qui laisse augurer de grands espoirs sur les futurs projets de son cinéaste. Là, vous oublierez à coup sûr Le dernier maître de l’air et After Earth !