Ce film sur le passage à l'âge adulte (le thème central chez Mulligan) joue sur plusieurs tableaux. Sans pomper les œuvres, il rappelle par certains aspects le style de Mike Nichols (Le Lauréat en particulier car il présente des similitudes aussi dans les grands faits du synopsis) et de façon plus lointaine, certains films sur la jeunesse des années 1950-60 (comme A l'est d'Eden avec James Dean) sans partager leur côté tumultueux et rebelle. Lorsqu'il tourne cet Été 42 (1971), Robert Mulligan a déjà à son actif le film judiciaire 'humaniste' Du silence et des ombres (1962) ; viendront L'Autre (1972) et Un été en Louisiane (1991), dernier opus, autour de rivalités amoureuses entre adolescents dans les années 1950.
En 1942 Hermie (Herbert en VF) a 15 ans. C'est l'été et il n'est pas attiré par les jeunes filles de son âge. Sur la plage apparaît une créature souriante et un peu éthérée. Aimanté par Dorothy (Jennifer O'Neill, révélée l'année précédente par Rio Lobo, vue aussi dans Scanners et héroïne de L'emmurée vivante de Fulci), il arrive à l'approcher avec ses rodomontades d'ado transi. Les réponses de Dorothy sont légères et bienveillantes. Hermie l'admire, aimerait en faire la première étape de sa vie d'homme, il est relié seulement au présent, tâche de satisfaire les pressions de son âge et de s'en émanciper. Dorothy le laisse faire, elle semble accepter tout, détachée, sans projets ni reliques à chérir. Une romance insoluble est en train de se dérouler : elle permet à l'un de grandir et à l'autre de se consoler, sans avoir vocation à passer la saison, sinon dans les souvenirs.
Un été 42 est un mélo élégant et sensible même lorsqu'il joue au teen movie voire flirte avec le potache (sauf à la rigueur le premier quart-d'heure, jusqu'à la rencontre). Le film centré sur les ados débouche sur une véritable rencontre : partant sur un effet nostalgie, il devient plus largement mélancolique, mais autrement lumineux, mettant le corps tout entier et non plus seulement un pied dans le monde adulte. Hermie change de regard sur ce qu'il connaît, prend conscience de lui. Le dernier tiers avoue toute la gravité des enjeux et de ses personnages, perce des 'images' pour révéler, pudiquement, des abymes de tristesse. Le film connaît un grand succès (grande référence aux USA), sa bande-son The summer knows un encore plus large. Des remake plus ou moins avoués auront lieu (Malèna en 2000 avec Monica Belluci s'en inspire, Stealing Home en 1988 avec Jodie Foster est considéré par des membres de l'équipe d'Un été 42 comme une copie), ainsi qu'une suite officielle (Class of 44).
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