Après quasiment 2h30 dans la file d'attente pour voir le film, apercevant au fil du temps les derniers arrivant, refoulés au bout de la queue que j'imagine immense, car de là où je suis, c'est à dire quasiment dans les premiers, à l'ombre dans le hall, je ne vois pas les autres attendant durement au soleil tapant.
Une fois dans la salle, je retrouve ce soleil pétillant mais à travers l'image cette fois ci, à travers l'image de la nouvelle curiosité de David Robert Mitchell, Under the Silver Lake. Ah j'étais content d'être enfin assis, bien placé, pour voir cette oeuvre qui ne pouvait que promettre un trip loufoque et tripant.
Présent à Cannes, en compétition qui plus est, le troisième film du réalisateur pour beaucoup découvert grâce à son précédent et étonnant It Follows, devait mettre la barre encore plus haute. Alors si ma préférence reste au précédent, je dois avouer avoir passé un excellent moment devant ce cauchemar tout droit sorti d'un mixer où l'on avait foutu au préalable Hitchcock, Lynch et une pointe de Jodorowsky. Mais pourquoi toujours vouloir associer l'oeuvre de quelqu'un à celle d'autres personnes ? Là, même si le délire est top, il faut avouer que les inspirations sont flagrantes, Fenêtre sur Cour est typiquement présent, puis un autre clin d’œil bien poussé à son réalisateur également. Pour Jodorowsky c'est surtout la fin, inattendue et purement what the fuck nous attirant dans les profondeurs d'un Montagna Sagrada. Puis bien sur, David Lynch, le plus évident, par bien des aspects, visuellement déjà, aussi bien léchée par moment que chaotique à d'autres, la caméra pouvant soudainement se balader tel un spectre ou savoir se fixer froidement. La courte présence de Patrick Fischler également, un fidèle de Lynch, puis ce running gag jouissif du pirate, ou encore via l’entité flippante qui se balade ici et là.
Ainsi Under the Silver Lake est aussi bien un pur hommage, une inspiration évidente du cinéma osé et psyché, qu'un jouet scénaristique et visuel pour son réalisateur. Adios la froideur glaciale et effrayante d'It Follows, bonjour les couleurs, le soleil, les néons, les ballons, la vie détraquée de ce nouveau bébé.
Un bébé maîtrisé de bout en bout, sachant garder une cohérence tout en laissant planer quelques mystères qu'on se fera un plaisir de creuser au prochain visionnage. Mitchell prend son temps pour nous faire entrer dans son univers, avec une durée de 2h20 il a le temps de le faire et le fait bien. Il porte son regard et le notre sur un jeune glandeur, amateur de nichons et n'ayant pas le fric pour payer son loyer. Ce jeune c'est Andrew Garfield qui se charge de l'incarner, et franchement, sincèrement, c'est clairement sa meilleure prestation, il est drôle, à fond dedans, ses mimiques sont magiques, on ressent la folie à travers ses yeux, c'est un pur bijou d'interprétation.
Terriblement jouissif de suivre son personnage donc dans cette descente ridicule et amusée, parfois flippante aussi, dans l'un des secrets de Los Angeles.
David Robert Mitchell livre un pur produit de mise en scène, dès le début avec cette musique qui tape, d'ailleurs la bande son est assez cool, on est dans du cinéma fabriqué, ça se sent, c'est un jouet, c'est de l'imaginaire, de l'onirisme, voilà le mot. Typiquement Lynchien encore une fois.
Les étapes de la folie s'entremêlent et mène à une finalité bien présente, la dernière scène pourrait décevoir tant elle ne nous laisse pas en plan et clôture bien le parcours du personnage de Sam, mais c'est tellement bien écrit qu'un ultime twist ou troll n'est pas utile, de plus comme je le disais, certains mystères planent encore.
Une scène mémorable, quasiment méta restera je le pense culte, je l'espère du moins, celle entre Sam et le Songwriter, une véritable sensation d'être dans un univers purement mensonger, puis que c'est jouissif de voir Garfield perdre les pédales face à ce vieux croulant pianotant en se foutant de sa gueule.
Garfield est donc impeccable, ne se laissant pas entraîner dans le grotesque de la folie mais en ressentant bien le caractère, un rôle impressionnant. Il côtoie quelques jolis noms, comme celui de Riley Keough, star montante incarnant le point clé de cette affaire, celui qui déclenche tout ce bordel. Topher Grace en pote barbu, Riki Lindhome en actrice un peu perché, Jimmi Simpson lui vraiment perché, Don McManus dans un rôle purement Jodorowskien, Jeremy Bobb méconnaissable en Songwriter, ainsi que le déjà cité et génial Patrick Fischler.
En bref, rien que d'en écrire la critique j'ai déjà envie de replonger dans le silver lake, cette aventure complètement stone à l'ambiance hyper cool, à la photographie colorée, à la mise en scène rythmée et innovante. Comme un sentiment de Mulholland Drive devant ce nouveau David Robert Mitchell plus que réussi.
PS : BEWARE THE DOG KILLER !