Tout le monde est là depuis 20 minutes, mais le chef tarde. On sent une certaine fébrilité autour de la table. Personne n’a osé toucher à son nespresso.
- Il parait qu’il était furieux des résultats de Lone Ranger
- Ouais, on a intérêt à assurer auj…
- Salut les tanches. Bon, je suis en retard, et je vous emmerde.
- Bonjour, Chef. On avait pensé à…
- Vos gueules. Eteignez-moi ce vidéo projecteur.
- Bien, chef.
- Bon, écoutez-moi. C’est vendredi, j’ai des envies de sodomie. En masse.
- …
- Alors vous allez assurer. Les stats font ressortir une lassitude des adaptations des superhéros de mes couilles. Je veux un scénario original.
- Mais, chef…
- Ta gueule, j’ai dit. Je sais que vous savez pas faire. On va se démerder. En gros, un film d’action avec des terroristes, des balles et des explosions. Rick, cherche les hits des 30 dernières années.
- Chiffres et culte, le logiciel fait ressortir Die Hard et 24, chef.
- Voilà, vous l’avez votre scénar, tas d’endives. Brainstorm. Je vous préviens, le premier qui flanche, je l’envoie chez les créatifs d’Europa avec Besson. Là-bas, y’en a qui saignent des yeux. Dick, tu commences : top des éléments à pomper de Die Hard.
- Le marcel blanc, divorcé, bad boy et proscrit, seul contre tous, 50.000 balles sur lui et il saigne du nez, se réfugie sur un ascenseur, il choppe les talkie-walkie des méchants, des terroristes blancs, la fausse rançon, la 5ème de Beethoven pour orchestrer qu’on est méchant.
- Son nom ?
- Euh… John Mc Lane… John Cale ?
- John Cale, en référence au musicien ?
- Ta gueule, Stanley. La caution Inrocks, c’est pour plus tard. Bien, le nom. John, sur 24 :
- Portables, vidéos, hackers, satellites, mallettes nucléaires, bombardement imminent du lieu où on se trouvent les gentils.
- Bon. C’est pas mal. Maintenant, on actualise et on en rajoute. On a l’image de synthèse, c’est buffet à volonté. Pensez bien « sodomie ».
- Un hélicoptère qui rentre dans la maison blanche et soulève la cravate d’un gentil.
- Un char qui tire sur une voiture qui tire sur la limousine qui tourne autour d’une fontaine avant de finir dans une piscine !
- On peut faire péter la maison blanche !
- Ah, oui, je vous ai pas dit, c’est Emerich qui réalise. Il l’a déjà fait péter dans Independance Day.
- On fait un clin d’œil, alors. Genre le guide dans le début il dit là c’est ce qui pète dans ID.
- Putain, ça claque. Allez, on enchaine.
- Des bombes, puis des javelins, puis des missiles sur Air Force One, puis la 3è guerre mondiale !
- Et chef, de l’humour. Des vannes.
- Ouais, pour ça faut un président noir, ironique et tout, qui fait des checks sur Youtube, qui dit Fuck You au méchant et talonne la tronche des terroristes avec des Jordan qu’il veut pas salir.
- Et chef, de la famille : une fille partie faire pipi, et genre elle filme les méchants avec son smartphone et toutes les télés du monde savent que c’est elle alors elle devient otage et…
- Mais elles donnent son nom, les télés ? C’est pas totalement con ?
- Rick, on a dit sodomie, tu suis, merde ?
- …et au début il a loupé son spectacle de twirl drapeau alors qu’il voulait être dad of the year et genre elle l’appelle par son prénom, même pas papa et…
- Calme-toi, Dick !
- Nan, laisse-le, et note, on prend tout.
- …en fait elle est la jeunesse, tu vois, elle présente la maison blanche via Wikipédia et elle devient star mondiale avec 700 millions de vues sur Youtube, et elle arrête le bombardement avec son twirl drapeau, au ralenti, vue par les avions qui genre enlèvent leur masque à oxygène et disent « Abort, abort » parce que ça se fait trop pas de bombarder une teenager qui fait du twirl au ralenti, et comme ça son père il voit son show à la fin comme la terre entière et les gens ils appaudissent.
- OK.
- Et les chaines de télés elles disent tout le temps à quel point elle est géniale.
- OK. Maintenant, Stanley, pour le dossier de presse à destination des français, tu nous chies un truc. T’as 4 secondes.
- Euh, attendez… « L’écriture délicate et précise installe un lacis de personnages subtilement emmêlé… » et, euh… « L’agilité de White House Down réside alors dans une topographie à deux étages : l’astucieuse connexion qui lie ce réseau d’individus et de volontés à un programme classique d’explosions en série.»*
Voilà. Vous restez ici, bandes de fiottes, et putain, on va cartonner.
citations authentiques tirées des Inrockuptibles, critique de Théo Ribeton, le 3 septembre 2013 : https://www.lesinrocks.com/cinema/films-a-l-affiche/white-house-down/
L'intégralité des réunions :
http://www.senscritique.com/liste/Les_arcanes_du_blockbuster/369869