---Bonjour voyageur égaré. Cette critique fait partie d'une série. Tu es ici au septième chapitre. Je tiens à jour l'ordre et l'avancée de cette étrange saga ici :
https://www.senscritique.com/liste/Beauty_of_the_Beast/1620017#page-1/
Si tu n'en a rien a faire et que tu veux juste la critique, tu peux lire, mais certains passages te sembleront obscurs. Je m'en excuse d'avance. Bonne soirée. --


Lycaon. Il y avait Lycaon dans le film de ce soir. J'ai eu du mal à m'en remettre, j'étais terrassée par le choc, et en colère contre moi-même d'avoir manqué son message. Je suis sortie dans la nuit froide pour y noyer mon désarroi. Je suis retournée au repère des jeunes loups. Il n'y avait plus le carnet, et leur odeur que j'avais appris à reconnaître maintenant était partout. Il y a eu de l'agitation quand ils ont trouvé ma note. J'imaginai leurs conversations. Ils se sont demandés si c'était réel, si je me moquais d'eux, si je les menaçais, ou si j'allais faire un bon alpha pour eux. Ils avaient enlevé le carnet mais ne m'avaient pas laissé de réponse. Peu importe. Lycaon était en vie. J'ai changé, et j'ai hurlé comme les loups de mes films du soir ne manquent jamais de le faire. Moi qui le fait si rarement, j'ai hurlé, le museau relevé vers la lune, tout mon amour, tout mon bonheur de le savoir encore en vie, toute mon impatience de le revoir. Lycaon...
Mais alors mon amour, je dois te demander, pourquoi avoir choisi un film si mauvais pour te manifester ? Peut-être n'as-tu pas eu le choix, l'industrie Hollywoodienne étant ce qu'elle est, j'imagine toute la complexité que tu as pu avoir pour te glisser jusqu'à elle. Mais enfin tout de même, c'est un manque de chance d'avoir atterri sur ce film en particulier. Pour couronner le tout et accentuer la médiocrité de la chose, j'ai été contrainte de la regarder dans sa version française, et fichtre que c'est mauvais. D'accord l'équipe du film n'y est pour rien si les français n'ont jamais été capable de doubler un film correctement, et encore moins si le fait de n'avoir vu que des films en vo n'a fait que mettre en relief ce défaut du film de ce soir à mes yeux (et à mes oreilles). Par contre, je peux également prendre la défense du camp opposé sans mal : ce n'est pas de la faute des mauvais doubleurs français s'ils doivent doubler des mauvais dialogues américains. On a l'impression d'un épisode de Starsky et Hutch. Entre des mauvaises punchline de mecs badass mais écorchés par la vie, et des traits d'humour qui même en 1980 étaient déjà démodés, on atteint des sommets, et j'en ai encore le front rougi de me l'être frappé à chaque fois qu'un personnage ouvrait la bouche. Je pense à tous les génies du muet qui ont refusé le passage au parlant, et je me range sagement à leurs cotés. Et j'ai le générique de Starsky et Hutch dans la tête.
On avance donc comme ça, à un rythme de croisière assez désolant, dans une enquête inintéressante, car on arrive à la deuxième absurdité du film : on sait, nous spectateurs, bien avant les personnages -avant même le début du film- quel est le problème de ces meurtres. Et si on le sait, ce n'est pas par un habile tour de passe-passe à la réalisation pour jouer sur le suspens, c'est par l'idée la plus stupide qu'aient pu avoir l'équipe de com : le titre. Et l'affiche aussi. Le film s'appelle Wolfen. Wolfen, les gars. Dans Wolfen il y a wolf. Même le plus mauvais des spectateurs français sait à quoi s'attendre en allant voir le film. Alors pourquoi vous essayez de nous duper avec des « Oooh ! On sait pas c'est quoi qui tue comme ça les gens... Comme c'est mystérieux... ». Bah si ! On sait ! Bande de nuls... Donc on s'ennui pendant toute la première moitié du film, avec une image moche, des dialogues pathétiques et un suspens raté et un peu consternant. Est-ce que je me suis habitué à toute cette médiocrité, ou le film progresse-t-il un peu, j'ai trouvé que le milieu du film était juste ennuyeux, contre mauvais pour le début. Et puis tout à coup...
C'est la nuit. Un américain natif fasciné par les loups, qu'il considère comme ses frères, boit dans une flaque créée par une empreinte de loup. La légende dit qu'en agissant ainsi, on peut devenir un loup à son tour. Cela échoue, mais il ne s'en rend pas compte, et il part courir au toit de la ville, sur ce pont entre l'humain et le sauvage, il va rendre hommage à la lune ronde par un hurlement lugubre. On nous fait une allusion à la lycanthropie -la maladie mentale- au passage, et puis on continue d'avancer dans cette nuit sombre. Et lycaon surgit. Je le reconnais instantanément. Son pelage sombre, sa stature rassurante, son regard lumineux. C'est lui ça ne fait aucun doute. Et il y a sa meute aussi. Et il y a moi. Je reste stupéfaite un instant. Je sais bien que ce n'est pas moi, mais la doublure qu'il a choisi est saisissante de réalisme. Je suis tout à coup projetée dans la fiction, passionnellement avec les personnages, avec les loups, vibrante de la compréhension qui se fait aux yeux du héro, transie dans l'attente de voir s'ils seront sauvés, ou si la cruauté et la stupidité humaine les tueras. Et le film s'achève. Tremblante de tous mes membres, je me demande ce qui vient de se passer. Ce que ma louve à compris est beaucoup plus précis que ce qu'a compris mon humaine. Était-ce vraiment des loups-garous ? Je ne crois pas. Mais était-ce seulement des loups ? Étaient-ils réellement les meurtriers ? Le personnage, peu avant cette fin fascinante, semble sombrer, se faire rattraper par ses démons. Il mène son enquête seul, trouve des indices qui, après réflexion, semblent boiteux, tandis que les autres personnages, dans leurs apparitions furtives, que la mise en scène fait tout pour rendre négligeables, semblent avoir une piste tangible, diamétralement opposée aux soupçons du héro. Encore une fois et comme dans chaque film depuis le début du mois, la question de la folie est abordée : y a-t-il vraiment des loups ? Sont-ce de simples loups ? Des loups-garous ? Des tueurs ? Qui voit quoi ? Tout est brouillé dans cette fin haletante et totalement inégale par rapport à ce début boiteux.

Je repense à ma doublure. A sa façon d'être le seul loup clair dans cette meute noire, je sais que Lycaon essaye de m'envoyer un message. Il ne doutait pas un seul instant que je verrais son film et que je viendrais le retrouver. Je repense à ce loup croisé lors d'un voyage, qui m'avait dit que Lycaon était probablement encore en vie et qu'il était sur le continent américain. Je n'avais pas accordé de crédit à ce qu'il disait. Il avait probablement vu ce film, intercepté le message qui m'était destiné. Je ne l'ai vu finalement que 40 ans plus tard. Rien à l'échelle de nos vies, mais énormément à l'échelle de la vie des humains dans laquelle nous nous sommes fondus. Les années 80 étaient un tournant pour nous. C'est à ce moment là que l'humain a commencé à réellement dominer le loup, à le menacer. Nous, loups qui avions le choix, avons souvent fait le choix lâche de vivre des vies d'humains. Mais la société humaine aussi changeait. Il était devenu difficile de surgir, d'arriver du jour au lendemain dans la vie des gens, sans passer par leurs administrations absurdes, en prétextant simplement être un voyageur, et repartir vers une autre meute quelques jours -mois -siècles plus tard. Nous devions nous créer des identités, les vivre, puis lorsque notre non-vieillissement commençait à se faire trop sentir, disparaître pour recréer une autre vie ailleurs. En 40 ans, Lycaon a certainement du vivre ça. Il n'est plus là bas, c'est certain maintenant. Mais il est en vie et nous sommes immortels. Ça prendra le temps qu'il faudra, mais nous nous retrouverons. Et nous serons invincibles.

Zalya
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le 19 nov. 2017

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