L'entreprise est osée. Faire un remake du classique de Jacques Deray, La Piscine, est un pari risqué surtout que le film n'a pas pris une ride et est toujours très actuel. On se demande alors pourquoi prendre un tel risque ? Surtout entre les mains d'un cinéaste comme Luca Guadagnino qui s'est imposé avec un style lourd, artificiel et emprunts de psychologie de comptoirs au sein de son médiocre Melissa P. - sorte de sous Virgin Suicides sans sa dimension ni sa justesse et surtout pas son intelligence - ou de son Io sono l'Amore - film manquant de subtilité mais étant digeste grâce à la qualité de l'interprétation et un certain sens de la mise en scène. Les chances pour que ce remake soit pertinent sont indéniablement vaines mais on peut encore espérer qu'avec un tel casting le film soit tout de même réussi mais c'est finalement la vision du cinéaste qui viendra l'handicaper pour l'envoyer dans le mur.


Scénaristiquement parlant il n'y aura pas grand chose à dire sur l'intrigue du film, qui ne diffère pas tant que ça avec le classique de Deray. Ce qui va faire la différence ici est surtout le regard qui est porté sur les personnages. Ici le personnage féminin central est totalement remodelé, pour en faire une icone rock star dépossédé de sa voix et c'est là que le récit expose tout ses intentions et ses erreurs. Même si la démarche à le mérite d'être différente de l'original et elle aussi beaucoup plus impertinente, dans le premier film la femme était une force de la nature, qui dépossédait les hommes et les poussait à s'affronter dans leurs plus bas instincts, ici c'est elle qui est démunie face à eux, passive face à leurs jeu d'hommes. La figure centrale du film, celle qui doit nous fasciner devient alors une figure vide et surannée, posant le vrai problème du remake, il se révèle plus démodé que l'original. Le personnage de la fille se révélera plus intéressant ayant un vrai impact sur le récit mais c'est finalement son traitement qui laisse à désirer car elle est totalement oubliée pendant une bonne partie du récit tandis que ses troubles sont assez réducteurs, clichés et vraiment dépassés pour un film qui est censé se passer en 2016. Les personnages masculins seront ceux qui seront le plus développé ici, même si c'est fait de manière totalement artificielle et peu subtil, ayant l'impression d'avoir un bête abattage de virilité humaine. Certains passages prennent tout simplement le forme d'un concours de celui qui à la plus grande et fini de plonger le film dans le ridicule le plus totale. A force de les voir se tourner autour, on fini par se rendre compte qu'ils tournent en rond dans un ballet vide de sens et désincarné. Non pas que le film ne raconte rien, mais il échoue à le raconter correctement et dans sa volonté d'avoir un propos totalement différent de La Piscine, il en vient à avoir un propos inintéressant et souvent inexact. Bien loin de l'universalité et la justesse de l'original. On reste aussi dubitatif devant la présence de flashbacks inutiles qui viennent parasiter et alourdir un récit qui prenait déjà l'eau, soulignant le peu de psychologies des personnages et confirmant la bêtise d'un film qui est plus intéressé par ses effets esthétiques que la profondeur de son histoire. On retiendra à cause de ça deux confrontations finales - une entre les hommes et une entre les femmes - dénuées de dramaturgies et qui donnent l'impression de sortir de nulle part, ainsi qu'une conclusion qui atteint des sommets dans le ridicule.
Le casting essaye malgré tout de faire croire à l'entreprise et la plupart s'en sortent bien. Même si à l'image de leurs personnages, les actrices ont plus de mal à s'imposer et semble effacée. Tilda Swinton retrouve le cinéaste après Io sono l'Amore et est toujours aussi juste et charismatique mais on reste avec le sentiment qu'elle n'était pas indispensable au rôle. Le personnage étant tellement effacé qu'elle a peut de choses à jouer et au final elle semble totalement sous exploitée. De plus même si elle forme un bon duo avec Fiennes, elle ne partage aucune alchimie avec Matthias Schoenaerts. Dakota Johnson est assez fade dans son rôle, appuyant bien trop sur les traits de personnalités de son personnage, elle manque de justesse et de subtilité trahissant ses intentions et suscite souvent l'agacement. Par contre les acteurs assurent le job et font bien plus plaisir à voir. Matthias Schoenaerts arrive même à reprendre le flambeau de Alain Delon assez admirablement. Il est plus magnétique et animal que son prédécesseur grâce à une prestation toute en retenue et vraiment touchante. Mais l'atout principal du film, celui qui en reflète le mieux son essence, c'est Ralph Fiennes. Dans un cabotinage outrancier et souvent agaçant, il excelle. Il est à l'image du film, magnifique et fulgurant mais aussi totalement crétin et irritant. Il se donne corps et âme à l'entreprise et semble s'amuser comme un petit fou arrivant à sauver le tout de l'ennui le plus profond.
La réalisation est somptueuse, la photographie y est très léchée, la musique appuie un peu trop certains passages et certaines intentions mais elle se fond bien avec les images pour en faire un produit énervé et intenable. C'est aspect rock et débridé est ce que l'on aurait voulu voir du film, mais même si on en voit parfois les contours, il est bien trop tenu pour convaincre. Faute à un montage peu énergique et qui fait des choix étranges dans sa façon maladroite d'intégrer les flashbacks. De plus la mise en scène de Luca Guadagnino est assez vaine et superficiel, se constituant souvent de non sens ou de symboles beaucoup trop appuyés malgré quelques bonnes idées assez bien pensé notamment dans le sens de l'esthétisme sur les reflets et les effets de miroirs qui instaure la paranoïa. Les plans restent beaux, maîtrisé et abouti mais ils sont totalement désincarnés, ils manquent cruellement d'intelligence et jamais ils ne nous font ressentir la fièvre et la passion des personnages. Ils nous les montre faire l'amour, faire la fête mais on reste détaché car le film n'a aucun sens de la mesure ni de la force de suggestion offrant quelque chose de globalement informe.


En conclusion A Bigger Splash est un mauvais film. Ennuyeux par son aspect vain et dépassé, n'arrivant jamais à retransmettre la fièvre de ses personnages et tombant bien trop souvent dans l'artificialité, la lourdeur et le ridicule à cause d'une subtilité aux abonnés absents. Le casting alléchant peine aussi à convaincre à cause d'une sous exploitation des figures féminines tandis que les hommes arrivent à susciter un minimum d'intérêt. Légèrement soutenu par des idées de mises en scène bien vues mais globalement noyées par une superficialité qui ne s'intéresse qu'au beau sans se soucier si il fait sens. On se retrouve face à une oeuvre dénué de profondeur, plate malgré ses envies d'hystéries et inconsistante. Une déception qui ne se contente pas d'être un remake inutile mais un film suranné et hors propos qui se permet d'être plus démodé que ses inspirations.

Frédéric_Perrinot
3

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Flop 2016

Créée

le 7 avr. 2016

Critique lue 1.6K fois

20 j'aime

1 commentaire

Flaw 70

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

20
1

D'autres avis sur A Bigger Splash

A Bigger Splash
Frédéric_Perrinot
3

Un gros plouf

L'entreprise est osée. Faire un remake du classique de Jacques Deray, La Piscine, est un pari risqué surtout que le film n'a pas pris une ride et est toujours très actuel. On se demande alors...

le 7 avr. 2016

20 j'aime

1

A Bigger Splash
Fassbender
2

Vain, vide, inintéressant

Infâme et douloureuse expérience que ce A Bigger Splash. Désolé je n'ai pas vu l'original français... On ne croit pas du tout aux relations tissées entre les persos. Ca sonne totalement faux. Ralph...

le 7 avr. 2016

11 j'aime

1

A Bigger Splash
Alexandre_Coudray
6

Un film beau qui tombe un peu à l'eau...

Il fait bon vivre sous le soleil de Pantelleria, là où Marianne, rock-star aphone est partie se reposer avec Paul. Jusqu'à ce que Harry, ancien amant de Marianne, débarque avec sa fille qu'il ne...

le 8 avr. 2016

7 j'aime

Du même critique

Glass
Frédéric_Perrinot
6

Une bête fragile

Alors en plein renaissance artistique, M. Night Shyamalan avait surpris son monde en 2017 lorsque sort Split et nous laisse la surprise de découvrir lors d'une scène en début du générique de fin...

le 22 janv. 2019

69 j'aime

6

Ça
Frédéric_Perrinot
7

Stand by me

It est probablement un des plus gros succès et une des œuvres les plus connues de Stephen King, et il est presque étrange d’avoir attendu aussi longtemps avant d’avoir eu une vraie adaptation...

le 22 sept. 2017

63 j'aime

1

A Cure for Life
Frédéric_Perrinot
8

BioShock (Spoilers)

Après une décennie à avoir baigné dans les blockbusters de studio, Gore Verbinski tente de se ressourcer avec son dernier film, faisant même de cela la base de son A Cure for Wellness. On ne peut...

le 17 févr. 2017

59 j'aime

3