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L’été, cette parenthèse éphémère où la rencontre entre deux mondes devient (presque) possible.

L’été présenté dans un premier temps, c’est celui à Paris, où Félix qui ère avec son flash d’alcool en bord de seine pendant la fête de la musique, danse sur des rythmes cubains avec Alma, jeune femme du 14ème aux allures plus bourgeoises. L’esquisse d’une amourette se dessine alors lorsque les deux tourtereaux se réveillent ensemble au petit matin dans un parc public. C’est ensuite l’été du covoiturage et de la débrouille, lorsqu’après avoir emprunté à ici et là du matériel de camping destiné aux camps de vacances pour enfants, Félix et son ami Chérif rencontrent leur chauffeur Edouard, fils à maman par excellence qui sera surnommé chaton par les deux banlieusards. C’est enfin et surtout l’été du camping dans un petit coin bucolique du sud de la France, où l’on se baigne dans la rivière et où Félix vient faire une surprise à sa partenaire d’un soir qui elle, loge dans une belle maison en ville.


Chez Guillaume Brac, l’été ne constitue pas seulement un cadre séduisant dans lequel placer ses histoires et ses personnages, il défend l’idée de la belle saison comme une parenthèse enchantée où la rencontre, amoureuse et amicale s’amplifie et se conjugue à plusieurs niveaux, dans des tableaux Rohmeriens formidablement composés, capturés à la photographie par Alan Guichaoua. Il choisit l’été comme un terrain de jeu où les fractures sociales, exacerbées dans la France contemporaine, peuvent s’amenuiser un tant soit peu le temps d’une saison.


En plaçant ses personnages dans différents tableaux estivaux, le réalisateur multiplie les situations cocasses et touchantes à la fois avec des idées de mise en scène remarquablement efficaces de par leur sobriété. C’est la naissance d’une amitié inattendue entre Chérif et Edouard, contraints de dormir dans une même tente étroite où Cherif avec son imposante carrure déborde d’un cadre mal éclairé par un flash de smartphone, et Edouard dort recroquevillé dans un rideau qui lui sert de sac de couchage de fortune. Amitié inattendue et renforcée par leur difficulté commune à rencontrer le genre opposé et la pudeur de leurs échanges à ce propos. Difficulté illustrée génialement dans ce plan qui raccorde en un mouvement de caméra Felix et Alma qui se chamaillent au loin dans la rivière, et les deux compères qui les observent avec envie à travers un grillage, matérialisant leur incapacité à accéder à cette légèreté du flirt. Malgré leur différence d’origine sociale flagrante, Chérif travaille dans un supermarché et Edouard semble étudier en école de commerce, ils découvrent qu’ils appartiennent tous les deux à une même famille, celle des galériens de l’amour. Et c’est uniquement dans le cadre de ces vacances improvisées qu’ils peuvent se rencontrer, se vanner sur le fait qu’ils ne trouvent pas de copine et découvrir qu’une amitié est envisageable, là où le reste de l’année leur différence de milieu social et de cadre de vie les empêche de se côtoyer.


Si l’amitié entre Edouard et Cherif est rendue possible, l’amourette entre Alma et Felix est cependant plus laborieuse. D’abord c’est la froideur du son de la voix d’Alma à travers le téléphone, du silence après que Felix ait annoncé sa surprise à sa prétendue bien-aimée qui elle, ne semble pas si enthousiaste à l’idée de le retrouver. Puis c’est le chemin du retour de la rivière après le flirt, où Felix raccompagne Alma sur son vélo. Avec une caméra qui les suit en travelling avant dans leur idylle, puis qui s’immobilise net en même temps que le vélo sous les ordres d’Alma, nous tenant finalement à distance et nous empêchant tout comme Félix, d’accéder à la maison et de rencontrer les parents d’Alma, qui seraient pourtant très ouverts selon ses dires.


Les résidus de la fracture sociale présentés dans un premier temps comme possiblement surmontables grâce à l’insouciance et à la légèreté qu’offre l’été, apparaissent alors à nouveau de manière insidieuse entre Félix et Alma, qui empêchera l’idylle de s’accomplir pleinement.


Tout cela donne ainsi au film de Guillaume Brac une saveur profondément douce-amère. Avec un fort contraste entre l’harmonie visuelle offerte par la palette de couleurs et la composition des plans, et le constat d’une disparité sociale qui ne serait en fin de compte que partiellement surmontable grâce aux circonstances offertes par les vacances d’été.

LawissKempinski
8
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le 1 sept. 2024

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