Après avoir obtenu la reconnaissance avec "What We Do in the Shadows" et avant de connaître la célébrité auprès du grand public avec "Thor Ragnarok", Taika Waititi a tout simplement explosé le box-office de son pays natal, la Nouvelle-Zélande, avec son adaptation admirablement réussie d'un classique littéraire local de Barry Crump, "Wild Pork and Watercress", sous le titre "Hunt for the Wilderpeople".
Enfant plus que difficile, Ricky Baker enchaîne les placements dans des familles d'accueil depuis des années. Un jour, il est transféré dans une petite ferme isolée chez une femme aimante et son mari, archétype du bushman solitaire et bougon. Après quelques temps difficiles d'adaptation, Ricky commence finalement à apprécier la chaleur inattendue de ce foyer. Seulement une tragédie survient et son sort se retrouve à nouveau aux mains des sociaux. Pour éviter cela, il décide de se fondre dans l'immensité de la forêt néo-zélandaise mais, bientôt rejoint par son nouvel "oncle" aventurier et à cause d'une série de quiproquos, tous deux sont pris en chasse par l'ensemble des autorités du pays...
Un gamin absolument formidable d'impertinence (Julian Dennison, une révélation !) et un Sam Neil en grincheux au grand coeur qui vont forcément s'attacher l'un à l'autre dans une ode à la liberté avec ce retour à la vie sauvage défiant toutes les institutions conventionnelles, la formule pouvait déjà sembler connue à l'avance mais c'était sous-estimer cruellement la patte de Taika Waititi et son talent à nous emporter entre les rires et les larmes dans ce qui restera comme une des virées forestières cinématographiques les plus attachantes que l'on ait vu depuis un bon moment. De toute évidence véritablement amoureux de ce genre de récit dont il pose les balises avec minutie pour en tirer toutes les émotions possibles aux moments les plus opportuns, le réalisateur-scénariste y fait également souffler une bonne bourrasque de fraîcheur à la fois par son ton si particulier, par sa générosité à saupoudrer en permanence de l'inattendue au milieu de situations dont on croit connaître tous les ressorts et par son audace visuelle indéniable.
Par où commencer ?
L'immense tendresse émanant de ce duo improbable de héros où la frontière entre les rôles d'adulte et d'enfant prennent souvent un malin plaisir à s'inverser ?
La folie quasiment cartoonesque de la totalité des seconds rôles et de leurs rencontres avec l'enfant et son père de substitution qui débouchent sans cesse sur des petits miracles de dialogues où l'humour fait invariablement mouche sans oublier de laisser la place à une certaine densité émotionnelle lorsqu'il s'agit de mettre en exergue les blessures les plus profondes de ces personnages ?
Le dynamisme de la réalisation toujours émaillé de superbes trouvailles pour insuffler de la modernité à une histoire pourtant intemporelle à laquelle répond un type d'écriture résolument ancré dans son époque par ses références (si on devait trouver un équivalent européen à Waititi, le nom d'Edgar Wright viendrait instantanément à l'esprit à cause d'une narration passant énormément par la forme et, de plus, ici, le découpage en chapitres a de fortes résonances de conte initiatique que ne renierait pas un Wes Anderson)?
Cette générosité de péripéties qui ne fait que monter en puissance en restant constamment sur cette frontière a priori intenable entre l'absurde et le regard on ne peut plus sérieux sur l'évolution des attaches entre les deux héros ?
Son dépaysement total dans la beauté parfaitement mise en relief des décors néo-zélandais ?
Des comédiens tous impeccables, même dans l'exagération la plus totale des traits de caractère de leurs personnages ?
Sa bande-son aussi géniale dans ses compositions originales que sur la playlist retenue ?
Ou, enfin, tout simplement cette espèce de sentiment irrépressible qu'un sourire permanent a illuminé notre visage durant la totalité du visionnage de "À la poursuite de Ricky Baker" (son titre VF) ?
On retiendra probablement ce seul dernier argument pour vous convaincre de découvrir ce petit miracle de feel-good movie de Taika Waititi qui a emporté l'adhésion de toute la population de Nouvelle-Zélande. Le reste, vous vous en rendrez compte par vous-mêmes, à ne pas en douter...