A la Recherche du Premier Boulard est un très bon documentaire extrêmement ludique dans sa forme et très intéressant dans l'exploration de son sujet. Le film de de Denis Larzillière et Aurore Aubin se propose de voyager à rebours à travers les grandes dates de l'histoire du cinéma pornographique pour remonter jusqu'à l'origine et tenter de définir le titre du premier film pornographique ou vu comme tel.
Le film démarre donc avec la première diffusion d'un film pornographique à la télévision française avec Exhibition de Jean François Davy. La pornographie venait alors d'entrer dans les foyers français avec la chaîne cryptée Canal +, et nul besoin d'avoir un décodeur pour se rincer l’œil. Ensuite le film revient sur l'explosion du marché de la VHS qui marque à la fois la démocratisation du genre mais aussi la fin de ce que beaucoup considèrent comme de l'âge d'or du X français. Avec des tournages en vidéos, l'éclosion du cinéma amateurs, des films de moins en moins scénarisés et professionnels, un marché à abreuver de nouveautés ; la pornographie était définitivement rentrer dans une logique mercantile et commerciale. Christophe Lemaire qui travaillait à cette époque dans un vidéo club confirme que la location de vidéos pornos représentait facilement 30% du chiffre d'affaire d'un vidéoclub. Puis en remontant le temps une nouvelle fois vient l'évocation de l'âge d'or du genre avec des tournages impliquant tous les corps de métiers du cinéma traditionnel (chef opérateur, maquilleur, costumières, éclairagistes, techniciens) mais surtout des réalisateurs avec de vrais points de vue comme Jean François Davy et son approche documentaire, Claude Mulot et son idée du Sexe qui Parle ou Michel Barny dont la version féminine et pornographique de La Grande Bouffe montre des femmes se suicidant par le sexe et la luxure dont une qui se masturbe avec un bâton de dynamite allumée. C'est l'époque des tournages dans lesquels régnaient camaraderie, bonne humeur, hédonisme et liberté comme en témoigne un brin nostalgiques Richard Allan ou Brigitte Lahaie. Même si le porno était alors réservé à un ghetto de salles spécialisées, le genre ne sera jamais aussi libre, créatif et joyeux qu'à cette époque . Puis toujours à rebours le film revient rapidement sur l'époque ou les films pornos partageaient l'affiche des autres productions sans aucunes distinction de salles.
Le film revient ensuite sur l'explosion du cinéma porno américain du début des seventies avec les succès colossal de Gorge Profonde devenu un véritable phénomène de société et presque l’œuvre matricielle de toute l'industrie pornographique mais aussi Devil in Miss Jones ou Derrière la Porte Verte (premier porno interracial). On s'embarque ensuite vers les sixties avec des courts films cochons qui étaient projetés dans des sorte d'automates à voyeurs ou pour quelques cents on pouvait se rincer l’œil. Ces machines étaient souvent gérés par la mafia qui comptait ses bénéfices au kilo de pièces ramassées. Après un court détour par les années 30/40, une époque un peu morne et triste pour la fesse et l'humanité, on remonte jusqu'au début du siècle dernier. Cette exploration nous fait remonter le temps jusqu'aux touts premiers films pornographiques qui étaient la plupart du temps réalisés en secret pour des maisons closes ou de riches collectionneurs. Des films qui se faisaient souvent par des techniciens chevronnés mais anonymes et sur des plateaux de cinéma laissant entrevoir la possibilité que quelques grands noms des précurseurs du cinéma se seraient acoquiner au genre. Une époque qui s'avère être d'une audace et d'une liberté hallucinante puisque l'on y voyait des actes zoophiles, des scènes bisexuelles, des institutions moqués (religieuses et politiques) et des acteurs et actrices à peine sexy qui ressemblaient à monsieur et madame tout le monde. On a coutume de dire que lorsque l'on a vu un porno on les a tous vus mais force est de constater que tout était déjà là à cette époque, les positions, les actes et les pratiques y compris les plus hard (fist fucking, glory hole, partouzes, uro). Puis le film trouve enfin ce qui pourrait être le tout premier porno et qui déception ne serait pas français mais un film argentin intitulé El Sartorio datant de 1906 et montrant pour la première fois des organes génitaux en gros plan. Mais le tout tout premier acte d'amour filmé en gros plan et ayant créer à l'époque un énorme scandale reste The Kiss de William Helse datant de 1896 et montrant un couple s'embrasser pendant 47 secondes.
La pornographie est donc depuis toujours liée à l'histoire du cinéma ce qui est logique pour l'un des intervenants du documentaire dans la mesure ou le cinéma est un plaisir de voyeurs. A la Recherche du Premier Boulard est à la fois très amusant et éducatif avec une approche bourrée d'humour, d'anecdotes et d'informations. On pourra toujours lui reprocher de débuter son exploration en 1985 en faisant l'impasse sur ce qu'est devenue cette industrie par la suite, mais comme le film parle de CINEMA pornographique on lui pardonnera aisément d'avoir oublié ce qu'est devenue la production X actuelle. Pour conclure j'évoquerais Maurice Laroche , propriétaire de la toute dernière salle de cinéma pornographique à Paris (Le Berverly fermée depuis 2019) qui devant l'écran de sa salle vide et face à un film tourné en 16mm s'émerveille presque ému d'une époque ou il y-avait encore de la tendresse, de l'amour, de la légèreté et de la beauté dans les films de cul.