Après Bob Dylan, Oscar Isaac s'attaque donc à Al Pacino...
Mouais... Pas mal...
Voilà le sentiment qui m'animait dès la sortie de la salle.
Pourtant ça démarrait bien. En tant qu'amateur de GTA, les premiers plans du film (et beaucoup d'autres passages) rappellent énormément Liberty City. Les plans, les poses des personnages, on se croirait dans une bande annonce de gta 4, et c'est plutôt chouette. Cerise sur le gâteau, l'ensemble est accompagné par le magnifique tube jazzy-soul "Inner City Blues" de Marvin Gaye : https://www.youtube.com/watch?v=57Ykv1D0qEE.
Bref on est en terrain presque conquis, de la coolitude vintage 80's comme on n'en fait plus, des plans beaux à pleurer, une photo aux petits oignons (souvent très sombre), des acteurs triés sur le volet et au diapason, un réal qui s'est fait un nom en trois films à peine.
Et puis en fait, on se rend vite compte que le film n'est pas grand chose.
Petite histoire d'un entrepreneur qui veut se faire sa place et qui se fait emmerder par la concurrence, et qui a une lose de dingue, en voulant à tout prix rester honnête. Et à qui on va parler de prêts et de taux d'intérêts...
A un moment j'ai cru revenir à "Inside llewyn Davis" et son histoire (un peu ratée) de loser qui n'arrivait à rien, mais qui se voulait magnifique.
Mais non on revient vite dans les jallons des polars new yorkais : scènes tendues, menace invisible, flingues, courses-poursuites, bagnoles, guet-apens, et la ville dans le rôle principal, bref tous les ingrédients y sont pour savourer un bon plat.
Où est-ce que ça coince alors ?
Tout est un peu lisse, terne, pas mal de temps morts, quelques personnages secondaires bien ratés (le flic est franchement bâclé, le conducteur de camion joue de manière catastrophique et son arc scénaristique est vraiment mal ficelé avec un final à la limite du grotesque).
Pourtant l'espace de quelques scènes, on peut enfin décoller un peu de son siège :
- La course-poursuite qui fait un bel écho aux premières scènes du film très calmes où le héros fait son jogging, et se transforme pour l'occasion en marathon man : ça commence comme du Friedkin (Police Fédérale Los Angeles et ses poursuites de voitures dantesques), pour s'orienter vers les polars coréens (the chaser et ses interminables poursuites à pied), pour déboucher sur du De Palma (et la grandiose poursuite dans le métro de "l'Impasse") en format réduit évidemment.
- Quelques jump scare qui feront sursauter les spectateurs les plus sensibles (dont mes voisins de salle), même si un peu prévisibles tout de même
- Une belle ambiance globale, une mise en scène précise et classieuse
Dans mes réserves, outre les quelques soucis d'écritures, je trouve que l'idée de vouloir singer Al Pacino dans le parrain 2, est un peu ringarde.
C'est flagrant, même trois-quarts beige, même posture dans le cadre (on a parfois l'impression qu'Isaac se prépare pour un photoshoot), même façon de débiter ses répliques (quand il débarque chez tous les pontes pour leur dire "Stop" en mode parrain hyper charismatique), etc etc...
Isaac est bon, c'est un bon acteur, mais même s'il lui ressemble, il ne tient pas la comparaison avec Pacino une fraction de seconde.
Le rôle du sous Bob Dylan dans le film des Coen Brothers, lui collait plutôt bien, car il a des yeux ronds et un regard endormi qui conviennent très bien au rôle du mec blasé et désabusé. Ca marche moins ici, surtout dans les séquences où il s'énerve, ou dans celles où il donne des leçons à ses VRP du dimanche pour réussir à conclure des deals grâce a leur charisme.
Enfin dernière remarque, je ne reconnais plus Jessica Chastain. Je l'ai trouvée particulièrement vilaine dans ce film, avec ses lèvres surgonflées, on dirait un gros canard, et son personnage ainsi que sa relation avec Isaac ne sont pas spécialement intéressants à l'écran (même si techniquement elle pèse sur le récit).
Bref j'ai trouvé ça sympa, solidement fait, mais loin d'être marquant et puissant. Pas de souffle, pas d'ampleur.
Mais ce qui marche le mieux, c'est l'idée du compte à rebours pour trouver de l'argent (avec l'enjeu de le faire légalement), recette classique mais toujours aussi efficace, et qui permet de redynamiser enfin le récit tout en gardant le spectateur sous tension.
Pas fou donc, mais le film questionne intelligemment la frontière entre le monde des affaires et le grand banditisme, avec un angle d'attaque original (mon 7 est un peu généreux, mais le 6 aurait été un peu mesquin, vu la facture classieuse du film).