Le nouveau prodige du cinéma américain J.C.Chandor tente avec son troisième film de reprendre le flambeau dressé par ses prédécesseurs Martin Scorsese, Sidney Lumet ou plus récemment James Gray. Tente mais n’y parvient qu’à moitié. Il manque dans cette histoire somme toute peu passionnante de luttes intestines et mafieuses de business du pétrole une véritable noirceur, une réelle profondeur des personnages et une épaisseur d’un scénario qui se révèle superficiel et paresseux. S’il est question de violence, elle apparait peu à l’écran – ce qui est plutôt un bon point – mais davantage dans les flashs des radios ou des télévisions se faisant l’écho des faits divers meurtriers qui jettent New York dans un état généralisé d’angoisse et de suspicion.

Dommage que ce sentiment de tension et de danger aussi immédiat que potentiel ne transparaisse guère à l’écran. Une scène sur un pont (dont tous les rouages restent confus et troublants) et une séquence de poursuite constituent donc les deux moments forts d’un film qui préfère, par ailleurs, mettre en scène dans des ambiances claires-obscures à l’éclairage chiche et décliné à l’envi des échanges, des conversations et des négociations. Personne ne peut faire semblant de découvrir aujourd’hui la collusion entre la pègre et les affaires, les gangsters, même parés des atours de la respectabilité des entreprises et du marché, et les institutions policières comme juridiques. Le réalisateur certes malin et bon faiseur de Margin Call souhaiterait sans doute renouveler (rajeunir ?) le genre, mais il reste dans une ligne classique (mise en scène soignée, casting ad hoc même si Oscar Isaac a des faux airs, et pas uniquement physiques, avec un jeune Nicolas Sarkozy) sans jamais la renouveler, ayant plutôt tendance à l’affadir, voire la ternir. Le tout manque de souffle et de matière : il ne s’y passe pas grand-chose et ce peu ne présente pas beaucoup d’intérêt. Certaines scènes ne sont pas loin d’être ridicules ou inappropriées, déréalisant de surcroît la totalité du film. Pas désagréable, mais tout de même fade au point de frôler l’inconsistant.
PatrickBraganti
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le 13 janv. 2015

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