Le plaisir d'être dérouté.

Ce film est déroutant: on commence comme une comédie sociale à la Ken Loach ou à la Billy Eliot, où l'on suit deux jeunes adolescents, meilleurs amis, voisins, qui parlent de tout et de rien, dans un quartier un peu ouvrier, où les histoires de familles sont complexes (le papa de Romeo est parti). On se dit: voilà une jolie comédie sociale sur l'amitié.

Arrive Morell (Paddy Considine, impressionnant dans son tout premier rôle!), qui vient "sauver" Romeo d'une rouste par des garçons plus âgés. Morell a la vingtaine, et les deux jeunes garçons commencent à traîner avec lui, forcément fascinés par ce jeune adulte. Pour autant, Morell est un drôle de personnage: un poète qui déclame des vers improvisés, qui raconte une histoire extraordinaire qui lui est arrivée à chaque fois que quelqu'un prend la parole, et qui ne semble pas très malin (il se fait piéger par les farces des enfants). On est toujours dans la comédie, bon enfant.

Et c'est là que la magie de Shane Meadows opère. En une scène (à la plage), il change complètement l'atmosphère du film, et tout ce qui semblait léger avant prend une toute autre tournure. Les personnages deviennent plus profonds, plus sombres, et on arrive à ressentir leurs failles dans les magnifiques scènes de dialogue improvisées (comme toujours, chez S. Meadows).

Une tranche de vie, une réflexion sur la construction de l'identité à l'adolescence, sur les relations de pouvoir entre les personnes. Un moment agréable, drôle, mais aussi dérangeant, troublant. C'est la patte Shane Meadows, dont les œuvres marquent à chaque fois le spectateur.