Véritablement l'un des meilleurs documentaires que j'ai eu la chance de visionner.
Mais aussi le plus déprimant, révoltant et choquant, par ce qu'il révèle d'une société anglaise et d'une nature humaine. Pourtant la véritable horreur n'est jamais dite qu'à demi-mots. Elle n'apparaît même souvent qu'entre les lignes, à travers le quotidien qu'il contemple, lorsque les "personnages" eux-même oublient quelques instant le monde de la criminalité. Ces moments, qui devraient être ternis par la banalité, sont en réalité gangrenés par maintes détails, dans lesquels surgit la corruption émotionnelle d'une criminalité qu'on ne voit jamais en action.
Même les paroles du "mafieux", qui tente désespérément de paraître sympathique, laissent entre deux mots paraître l'horreur.
Et c'est justement parce que ce documentaire ne montre jamais directement les conséquences, ne délivre jamais explicitement sa morale, que ce documentaire peut devenir très néfaste dans l'esprit de certains. Faire du mafieux un héros ! Faire oublier l'extrême violence proprement inhumaine de ces personnes ! Donner une image sympathique à celui-ci. Et même le placer en simple victime de la société, lorsqu'il raconte ses traumatismes d'enfant ! Là réside le danger, d'une vision simpliste du documentaire.
Car, oui, ce film révèle en réalité l'horreur des monstres dans toute sa complexité, sa réalité ! Mais ne vous y trompez pas, l'homme au centre n'en est pas moins un monstre véritable.
A voir son enfance pourtant, qu'il est facile pour beaucoup d'entre nous de comprendre ce que cet enfant est devenu. Il est facile d'accepter l'idée d'une violence intérieure qui habite l'homme, son absence de pitié, et une certaine haine malheureuse qui le nourrirait.
Mais ce serait alors oublier que ce qui fait de cet homme un monstre ! Sa monstruosité est dissimulé, elle ne se révèle pas par des évidences, des actes révélateurs. Ces actes instantanés, gorgés de violence, ces tortures qu'il a pratiquées à l'encontre de certains, bien souvent des gens de son espèce. Non la véritable monstruosité de l'homme se révèle dans son comportement avec son entourage, ses alliés, sa famille, son quartier, avec finalement tous ces innocents.
Comme il a gangrené tout ce qui l'entoure, pourri une jeunesse, intimidé tout une ville, femmes et enfants. Comme il tue tout espoir chez ceux qui l'entourent de s'en sortir, de vivre une vie juste. Comme à cause d'un homme, c'est tout un quartier qui sombre dans une implacable destinée. Même pour une seule personne, il semble impossible dès lors de sortir d'une misère sociale, humaine et morale. Fruit de la misère, le mafieux n'est pas seulement un fruit pourri, il est le gardien, le jardinier de celle-ci. Il l'entretient, la fait fleurir et empêche toute vie saine de croître.
Ce sont tous les détails qui choquent dans ce film ! Cette violence, cet emprisonnement mental qui se révèlent par une jeunesse omniprésente pourrie dans les mains du mafieux. Et cette absence de tous les aînés ! Car c'est bien le plus remarquable, même si jamais on ne vous le dit, on voit comme Noonan (le héros) se sert PUIS se débarrasse des enfants. Une longue carrière de criminel, et personne dans son entourage, ne dépasse la vingtaine ou de peu. Son frère, le tueur à gage mis à part. C'est aussi ces minuscules enfants qui fument, et détruisent des poumons de la taille d'un poing. L'image est choquante, de voir ces si jeunes enfants fumer, cette cigarette entre mes doigts m'a soudainement semblé répugnante. Et voir aussi cette jeunesse sans éducation, sans intelligence, sans avenir ! Et tout cela à cause d'UN homme, l'horreur devient presque insoutenable quand on les entend rêver avec tant d'espoir d'un avenir idyllique d'une manière si innocente, si naïve. Et puis enfin, l'incapacité du système, l'impuissance d'un état et de ses institutions.
Déprimant, vraiment déprimant. Au moins pour ceux-là qui, avec suffisamment de recul, savent d'après des détails, des silences, des non-dits, des contrastes et des incohérences, déduire l'horreur d'une situation ! Et c'est pourquoi aussi dangereux soit-il, ce documentaire reste vraiment exceptionnel !