Adaptation du célèbre roman de Kressmann Taylor, Inconnu à cette adresse en reprend la trame narrative proposée initialement sous forme épistolaire, et qui voit deux amis allemands émigrés aux Etats-Unis se déchirer à distance sur fond de montée du nazisme dans les années 30.
Le film est aussi bref que le roman, et garde cette efficacité dans la gestion des ellipses entre chaque lettre. Le retour en Allemagne par l’un des protagonistes permet une alternance des espaces qui va structurer l’esthétique résolument expressionniste de l’œuvre : aux Etats Unis, c’est la clarté solaire, mais des espaces qui se vident par la prise de conscience de l’horreur grandissante en Europe, notamment à la faveur de très beaux plans voyant Max seul dans sa galerie d’art, terrorisé devant le contenu d’une des lettres. En Allemagne, c’est la multiplication des cloisons : grilles, fenêtres, lourdes portes de bois, qui dit l’enfermement progressif sous un régime dictatorial, les clairs obscurs d’intérieurs nuits étouffants dans lesquels les élites observent et contraignent avec un sourire carnassier.
De ce fait, le film est autant un plaidoyer humaniste qu’un thriller, rendu efficace par une attention toute particulière portée à sa dimension plastique. De longues séquences muettes (dans la neige, la boue, la forêt) font ainsi la part belle aux atmosphères et en disent davantage que des discours argumentatifs qui, justement, faisaient la saveur du roman initial.
Les petites modifications scénaristiques qui sont apportées à ce dernier ajoutent à cet aspect sans jamais nuire à son propos, par l’ajout d’un retournement de situation assez bien trouvé et dynamisant la narration.
Petit film discret, d’un réalisateur lui-même oublié, Inconnu à cette adresse ne démérite pourtant pas, par un véritable sens de l’équilibre entre sa dimension visuelle et son sens du récit.