Adaptation du célèbre roman de Kressmann Taylor, Inconnu à cette adresse en reprend la trame narrative proposée initialement sous forme épistolaire, et qui voit deux amis allemands émigrés aux Etats-Unis se déchirer à distance sur fond de montée du nazisme dans les années 30.


Le film est aussi bref que le roman, et garde cette efficacité dans la gestion des ellipses entre chaque lettre. Le retour en Allemagne par l’un des protagonistes permet une alternance des espaces qui va structurer l’esthétique résolument expressionniste de l’œuvre : aux Etats Unis, c’est la clarté solaire, mais des espaces qui se vident par la prise de conscience de l’horreur grandissante en Europe, notamment à la faveur de très beaux plans voyant Max seul dans sa galerie d’art, terrorisé devant le contenu d’une des lettres. En Allemagne, c’est la multiplication des cloisons : grilles, fenêtres, lourdes portes de bois, qui dit l’enfermement progressif sous un régime dictatorial, les clairs obscurs d’intérieurs nuits étouffants dans lesquels les élites observent et contraignent avec un sourire carnassier.


De ce fait, le film est autant un plaidoyer humaniste qu’un thriller, rendu efficace par une attention toute particulière portée à sa dimension plastique. De longues séquences muettes (dans la neige, la boue, la forêt) font ainsi la part belle aux atmosphères et en disent davantage que des discours argumentatifs qui, justement, faisaient la saveur du roman initial.


Les petites modifications scénaristiques qui sont apportées à ce dernier ajoutent à cet aspect sans jamais nuire à son propos, par l’ajout d’un retournement de situation assez bien trouvé et dynamisant la narration.


Petit film discret, d’un réalisateur lui-même oublié, Inconnu à cette adresse ne démérite pourtant pas, par un véritable sens de l’équilibre entre sa dimension visuelle et son sens du récit.

Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste vu en 2017

Créée

le 13 août 2017

Critique lue 460 fois

10 j'aime

3 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 460 fois

10
3

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

617 j'aime

53