Avec ce film, Jean Luc Godard poursuit le dialogue qu'il entretient avec le Cinéma depuis ses débuts.
Plus que jamais, il expérimente, techniquement, visuellement, au point d'abandonner complètement l'idée même de narration. Les citations, visuelles et dialoguées, aux artistes qu'il affectionne sont toujours là. Il semble s'amuser, travailler vite, et n'apporter que peu d'attention au rendu final.
Reste le dialogue, qu'il compose avec son art, faute d'en avoir avec son public.
Public qu'il laisse volontairement en dehors, rendant inaudible certains dialogues, jouant avec le son et le montage, comme pour lui faire comprendre qu'il n'est pas indispensable à la conversation.
Godard atteint ici un point critique de son œuvre.
En effet, le public n'a jamais été le point de mire de ses films. Le cinéma en lui même, ce qu'en tant qu'artiste parfois visionnaire il peut lui apporter, voilà le but réel de JLG.
Expérimenter, innover, surprendre, changer la façon de concevoir, faire et regarder le cinéma. Tel est le legs de Jean Luc Godard.
Mais jamais il ne s'était autant affranchi de cette notion fondamentale : faire un film pour qu'il soit vu, et compris. De ce besoin de parler à un spectateur.
Plus besoin d’intermédiaire, plus besoin de témoin.
Désormais Godard s'adresse directement au Cinéma. La seule fonction qu'il accorde au public, c'est de justifier l’existence du film en le visionnant.
La où les autres cinéastes utilisent le cinéma pour dialoguer avec leur public, Godard utilise le public pour dialoguer avec le Cinéma.
Et cet échange pourrait durer encore l'éternité, tant il semble aimer s'y perdre.
Mais on peut se demander si cette conversation est toujours fructueuse, ou bien s'il la fait trop durer, par crainte de la voir s'arrêter pour de bon.