Godard ou la sociologie en 3D
Bon, première critique que je publie sur le site et qui plus est sur un film qui a le mérite de ne pas être facile d’accès.
Une semaine après son visionnage et je dois avouer qu’il me reste encore en tête. N’ayant pas vu beaucoup de Godard, je ne pourrais pas dire si ce film est cohérent dans la filmographie du réalisateur mais on peut dire que c’est une œuvre très personnelle, tel une lettre écrite à l’intention du spectateur. Ayant déjà vu Pierrot Le Fou que j’aime beaucoup (cette poésie….), je dois dire que je ne m’attendais pas à ça !
1h10 passée dans cette salle obscure où je fus plongé entièrement dans cette œuvre que je qualifierais d’atypique. Deux sensations totalement différentes m’ont parcouru durant la projection :
1/ L’incompréhension : les sons coupés de manière impromptu, variant dans le volume sonore, ces images cadrées dans tous les sens, la rapidité des plans…. Tout ce visuel déroutant a fait que la forme m’a perdu pendant les vingt premières minutes du film. Les dialogues des personnages sont tous empreints de philosophie, venant à s’échanger des phrases qui n’ont pas de liens direct entres elles, le tout appuyé par des plans que j’ai décrit plus haut. Tout cela a fait que mon petit cerveau s’est embrouillé tout seul dans cette salle noire. Une scène m’a particulièrement marqué de par sa simplicité de compréhension : plan sur les mains de trois personnes devant un stand de livres, deux mains s’échangent mutuellement un téléphone portable dans le silence le plus complet. On devine qu’aucun regard n’est échangé, tandis que l’autre main tient un livre ouvert, feuilletant minutieusement les pages. Cette personne parle avec une autre à travers un discours construit. Ne serait-ce pas ça l’adieu au langage ? Cette simple scène de quelques dizaines de secondes nous transmet un message fort. Pourquoi parler quand quelque chose d’autre qu’humain peut le faire à notre place sans effort ?
2/ La fascination : Passé les premières vingt minutes, les deux protagonistes principaux prennent une place dominante dans le film. Etant habitué à la forme du film à partir de ce moment-là, propre aux films de Godard (quoique poussée comparé au film Pierrot Le Fou), j’ai pu plus me concentrer sur le fond tout en essayant de faire le lien avec le début qui m’avait laissé en touche.
Godard est personnifié dans l’image du chien dans ce film, errant seul dans ces paysages naturels, reflétant le coté simple et pur complétement délaissé par la société actuelle. Ces courts monologues, parsemés de références littéraires pointues (on connait la culture grandiose de M. Godard) expose une vision de notre monde totalement différente de ce qu’il est devenu aujourd’hui à travers les yeux du réalisateur. Des phrases d’une simplicité émouvante construite telles des réflexions philosophique. Notre langage se complexifie, non pas par les différentes langues qui existent depuis bien longtemps, mais par les messages et les émotions que l’on voudrait partager. On arrive de moins en moins à communiquer en face à face par timidité souvent ou simplement parce que la technologie actuelle change nos rapports humains. Cela se voit quand le couple discute, on remarque que les deux personnages ont l’impression de ne pas se comprendre, sans pour autant sortir des dialogues vide de sens. Surtout que par moment, le couple ne se regarde pas dans les yeux quand ils parlent, comme si ils parlaient pour eux-mêmes, sans besoin d’être écouté. Tandis que dès que les scènes avec le chien apparaissent, les phrases nous semblent propres, compréhensible. Durant tout le film, le chien et le couple cohabitent sans pour autant se comprendre entre eux. C’est à partir de ce moment-là que je suis resté comme fasciné et intéressé par ce que je voyais une fois la forme intégrée.
Godard fait passer énormément de critiques aussi à travers ce film qui tape du pied dans la fourmilière : l’hyper sexualisation de notre société, la dématérialisation de nos échanges humains, le sacrifice de la beauté naturelle pour une beauté artificielle et j’en oublie. Ces deux scènes que l’homme passe sur les toilettes durant lesquels il dit qu’il y a que « par le caca que nous sommes proche de la terre » sont tout à fait osées ! L’utilisation de l’anglais durant une scène, dans un film français, est génial car sans sous titres le spectateur peut être perdu et ne pas comprendre. L’adieu au langage. Surtout l’utilisation de la 3D dans un film aussi intelligent et distingué que lui pourrait être incompatible voire inutile et pourtant Godard, et c’est le seul point de la forme qui m’a entièrement charmé, a su très bien l’exploiter ! Notamment le fait de voir dans chaque verre des lunettes deux images différentes en même temps, jamais vu ça auparavant…
En conclusion, comme dans un ultime message, M. Godard nous expose sa pensée dans ce qui est sans doute son dernier film de sa carrière. Un petit 6 non pas pour pénaliser le fond du film qui mérite d’être revu encore pour encore plus comprendre le film dans ses entrailles mais surtout pour la forme que j’affectionne moins dans l’ensemble.