Bienvenu à un nouveau langage
Le Jean-Luc Godard seconde génération, celui adepte de ce qu'on pourrait qualifier d'essai-filmique, revient avec un film en 3D, Adieu au langage, qui a suscité de vives réactions au festival de Cannes. Quand certains crient au génie, d'autres pestent contre l'arnaque. Alors Adieu au langage, film d'un génie incompris ou farce sans queue ni tête ? La question se pose.
On était déjà habitué à ces films-essai quasiment incompréhensible dont Godard nous avait habitué déjà quatre plus tôt avec son Film Socialisme. Cette fois-ci la curiosité est redoublée, du fait de ce titre significatif et de sa 3D. Alors que raconte Adieu au langage ? Difficile de le dire, il faudrait plutôt se demander ce que le film nous montre. Un homme, une femme, puis un chien. L'espèce humaine face aux animaux et, plus généralement, face à la nature. Une série de scénettes et de proclamations dont on peine à comprendre le sens neuf fois sur dix. Dieu merci le film ne dure qu'à peine plus d'une heure, mais certains sursauts valent largement le détour. Jean-Luc Godard n'est définitivement pas mort, il reste un grand artiste qui ne cesse de réinventer son art.
La plus belle surprise de ce Adieu au langage est l'utilisation unique et pour une fois utile, de la 3D. Ici ce qui n'était devenu qu'un gadget pour nombre de blockbuster est un vrai élément de mise en scène. Et son utilisation donne au film ses moments les plus passionnants. Des reliefs de smart-phones à portées de main, reléguant les livres au second plan, et l'adieu au langage prend tout son sens. Mais la plus belle trouvaille est la superposition de deux images rendant l'écran illisible, donnant à voir deux plans différents de l’œil droit ou de l’œil gauche, au moment où les personnages discutent de la vérité, qui n'existerait que selon le point de vue d'où on la prend. Le point de vue, élément essentiel du cinéma.
Adieu au langage, même s'il nous laisse la plupart du temps sur le côté de la route, impressionne par sa prouesse technique. Jean-Luc Godard se sert des outils modernes pour repenser son cinéma. En filmant avec des smart-phones, le réalisateur réussit à proposer une 3D inventive et propose véritablement une autre façon de faire du cinéma, à 84 ans.
Jean-Luc Godard a fait son grand retour en compétition à Cannes. Une façon, peut-être, de rendre hommage à cet artiste qui ne cesse de repenser son art. Avec ce film sorti de nulle part, Jean-Luc Godard nous rappelle paradoxalement qu'on est encore loin de dire adieu au langage cinématographique.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Cannes 2014