Pour commencer : waw.
Albert Dupontel est une personnalité très intéressante, très simple et qu'on sent très terre à terre dans ses interviews. En tant qu'acteur, son naturel se retranscrit inévitablement. Je le trouve toujours juste et je le suivrai toujours (Deux jours à tuer, Au revoir là-haut, Le bruit des glaçons,Irréversible...). Petit problème pour moi : j'adhère moins à sa réalisation et son style, presque "comics" (surtout dans Bernie et Enfermés Dehors). Par exemple, j'ai détesté 9 mois ferme. Mais alors là, sur ce film, rien à dire, c'est presque parfait.
C'est l'histoire d'une femme qui veut vivre mais ne peut plus, qui croise un homme qui peut mais ne veux plus. Le deux, pour des raisons profondément politiques, et c'est là où Dupontel me scotche ici : son discours social. Elle, pour un excès d'inhalation de substances nocives au travail, lui à cause d'un manque de reconnaissance de son travail. Et tout au long du film, seront lancées d'innombrables piques aux tares, plus ou moins grandes, de la société actuelle. Ça passe par du visible (sur la police notamment, la référence au Gilets Jaunes et aux violences policières est très visible, voir trop), mais aussi par des petits détails comme un chauffeur de taxi qui vient couper la narrations deux fois pour avoir son argent. Et les petits détails, j'aime ça. Comme cette réaction de sortir le téléphone pour filmer, des petites phrases sur la banalité de la récolte des donnés internet, le téléphone au volant. Surtout, il y a un message désespéré de Dupontel sur les liens sociaux des inconnus entre eux. Ce téléphone sur lesquels les yeux sont rivés, cette bureaucratie qui écrase le perso de Dupontel, et ce message "le plus important c'est de dire je t'aime", je perçois ça comme un cri désespéré sur cette société en voie d'atomisation, en perte de sens.
Niveau technique, le film est joli. Les couleurs sont travaillées (le rouge du perso d'Efira, le bleu pour montrer le froid dans la chambre à la fin), des plans travaillés (sur le rond point, pour mettre en valeur des bâtiments, dans un escalier, sous une voiture...) ce qui donne un cachet très personnel au film. Les acteurs sont à un très bon niveau, Dupontel comme toujours, Efira qui n'est jamais moins qu'incroyable, Nicolas Marié je ne suis pas fan mais son personnage est plutôt réussi donc c'est OK, quelques caméos très sympas. Surtout, ce sont les dialogues qui sont bons : l'humour est très fin, très bon, la salle a vraiment ri et moi de même à multiples reprises. Mais c'est si bien fait que c'est grave en même temps, et on sort de la salle dans un état...ambivalent.
Si je ne mets pas plus, (SPOILERS), c'est surtout parce que toute la scène autour de la romance d'Adrien est pour moi ratée. Pour le coup on sort totalement du réalisme (comme par hasard la fille est charmée par ce gars aussi attirant et intéressant qu'un ficher Excell, qui est un peu un harceleur malaisant) je n'ai pas trouvé de charme à cette histoire et c'était un peu gros. Je suis sorti du film. De même, quelques facilités scénaristiques minent un peu le tout, la hacking étant devenu le truc magique qui permet tout.. Mais en dehors de cette parenthèse, j'ai été totalement charmé par ce choc des visions, par cette toile de la société qui s'étiole, une critique du monde du travail, de la police, de la technologie, le tout dans la sincérité propre à Albert Dupontel. Un film qui mériterait un beau succès.