Adolescentes est le genre de film que je n’aurais pas été voir de moi-même si je n’avais pas le pass illimité. Mais je serais passé à côté d’un excellent film, qui à la manière de Boyhood a suivi les personnages qu’il filme pendant une partie de leur vie, en temps réel, mais qui contrairement à Boyhood, a fait le choix de narrer ces histoires par le biais du documentaire et non de la fiction.


On suit donc deux adolescentes, Emma et Anaïs, de leur 13 ans jusqu’à leur 18 ans (donc de la quatrième à la terminale, car leur parcours scolaire tient une place importante dans le film) que tout oppose mais qui sont pourtant amies. Cela permet de mettre en lumière l’impact énorme du déterminisme social dans les choix de vie de chacune. Ainsi, Anaïs a des parents plutôt pauvres et simples : cela se ressent dans son parcours scolaire insuffisant qui la mènera au lycée professionnel au détriment de la filière générale. Elle a par ailleurs hérité de l'obésité de sa mère, et ses questionnements autour de son poids feront l'objet de plusieurs discussions. Au contraire, Emma est fille de fonctionnaire et de cadre supérieur, et sa mère est toujours derrière son dos pour l’aider à faire ses devoirs et décider presque à sa place de son orientation, au grand dam de la jeune fille. Son parcours reflète très bien cela, puisqu’elle obtiendra son bac général avec la mention bien, et qu’elle fait du théâtre et du chant. Sa volonté d’intégrer une fac de cinéma crispera d’ailleurs fortement sa mère, et sera à l’origine d’une dispute mémorable. Personnellement, je me suis beaucoup identifié à elle et j'ai pu revivre le même genre de scènes que celles qui ont parsemé la mienne, d'adolescence.


Des disputes, oui, il y en a beaucoup dans ce long-métrage : l’adolescence, c’est l’âge de l’insolence, de la rébellion, et Adolescentes le retranscrit très bien. Mais c’est aussi le temps des premiers émois, des premiers examens scolaires, des doutes et des angoisses quant à son avenir, également. D’autant que l’adolescence de ces deux filles sera perturbée par des drames personnels, notamment Anaïs qui enchaîne les malheurs en 2015-2016, mais également nationaux (les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan), ces passages réveillant en nous de terribles souvenirs.


Le documentaire m’a provoqué à la fois beaucoup de rires et de larmes, donc, les deux héroïnes faisant preuve d’un naturel éclatant malgré la caméra omniprésente. Il y a de vraies idées de plans, de cadrages qui n'ont rien à envoyer au cinéma de fiction. En plus de cela, le film est bien monté : les scènes sélectionnées sont presque toutes pertinentes et on alterne à merveille entre les deux héroïnes, mais également entre moments de joie et moments de peine. On voit aussi la qualité de leurs réflexions et de leurs discussions s'améliorer avec l'âge, tout comme leurs destinées s'éloignant peu à peu, et il y a quelque chose de particulièrement déchirant à les voir se rendre compte à la fin qu'elles ne resteront sans doute pas amies après leur départ de leur ville de province.


J’admire le parti-pris du réalisateur : l’absence de voix off, qui laisse la parole aux protagonistes, la caméra s’effaçant derrière eux au point qu’on l’oublierait presque, à la manière d’une véritable fiction.


Je déplore tout de même quelques longueurs, parfois on appuie peut-être un peu trop certaines séquences, mais j’ai globalement été très touché par ce long-métrage. Dommage cependant d'arrêter la diégèse au début de l'été 2018, après les résultats du bac, et d'oublier la victoire des Bleus à la Coupe du Monde, cela aurait été intéressant de voir comment les adolescent.es de notre époque l'ont vécue. Car finalement, le réalisateur limite les événements historiques de son long-métrage aux deux attentats de 2015 et à la victoire d'Emmanuel Macron. Mais heureusement, la France de 2013-2018 a aussi connu des moments très heureux.


Nous quittons Anaïs et Emma à leur arrivée dans les études supérieures, le film réussit le tour de force de nous donner envie de leur souhaiter le meilleur pour la suite car mine de rien, on s'est attaché à elles pendant ces 2h15. Peut-être encore plus que si elles avaient été des personnages inventés, et c'est bien ça l'atout majeur du genre documentaire : nous faire aimer les gens et la vie.

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le 16 sept. 2020

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Albiche

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