Niveau littérature, je me suis lancé actuellement dans une grande rétrospective Alberto Moravia, l'un de mes écrivains favoris. Je compte lire ou relire une 20aine d'ouvrages. Comme c'est un auteur qui a beaucoup été adapté au cinéma, je vais essayer de voir ou revoir les films tirés des romans lorsque c'est possible. Agostino, l'un de mes romans favoris de Moravia a été adapté au cinéma par Mauro Bolognini, et je ne l'avais pas encore vu. C'est un film rare, non édité chez nous et qui ne passe jamais nulle part, alors que le cinéaste est reconnu et encensé. J'avais réussi à mettre la main sur un vieux fichier, le seul qui traine, avec une copie dégueulasse et recadrée (zoomée dans l'image d'origine en fait) à la sauvage. Mais le film est correctement sous-titré (par un bénévole) et le film est tout à fait visible ainsi, en attendant mieux. J'ai évidemment beaucoup aimé ce film, qui est l'un des plus beaux de Bolognini, l'un des cinéastes italiens que je connais le mieux d'ailleurs, mais malgré tout le talent du metteur en scène, il ne parvient pas à égaler la prose de Moravia. L'histoire est celle d'un jeune garçon, qui sort tout juste de l'enfance et débute son adolescence dans les jupes de sa mère aisée, et veuve. Ils sont en vacances à la mer (Bolognini a la riche idée de transposer l'action (non précisée dans le roman) à Venise, offrant au venisophile que je suis des plans magnifiques de la ville et du Lido où, comme pour plus tard Mort à Venise, se déroule le gros de l'action), et sa mère, femme sublime (et sublimement jouée par Ingrid Thulin) se perd dans les bras d'un amant. Agostino ne supporte pas ça, lui très proche de sa mère, et va découvrir avec beaucoup de douleur que sa mère est également une femme. Pile poil au moment où la question du désir s'impose en lui, et tous les tourments qui vont avec. En fuyant ce nouveau couple dont la proximité le dérange, il rencontre une bande de ragazzi, des gamins sous la coupe d'un pêcheur adulte qui semble entretenir avec certains d'entre eux des relations pour le moins ambiguës. Ces gamins des rues vont le moquer pour sa richesse, sa classe sociale, son comportement enfantin, et surtout sa mère, qu'ils n'hésitent pas à traiter de putain tout en bavant devant sa beauté. Au contact de ces enfants turbulents, Agostino va souffrir, mais aussi se trouver une nouvelle famille, et se apprendre enfin à ne plus se définir comme un enfant. C'est justement avec ces nouveaux yeux qu'il regarde désormais sa mère. C'est un livre et un film tragique car ils racontent l'arrachement de l'enfance d'une manière assez violente et ambiguë. Et évidemment, même si Bolognini livre un film remarquable et complexe, Moravia parvient comme personne à explorer cette psyché en pleine mutation, et pleine de questionnements. Très beau film tout de même, que j'ai hâte de revoir dans de meilleures conditions. Quand tu vois le nombre de merdes qui sortent en bluray 4k et ce genre de merveille qui n'existe même pas en dvd...