Un génie si vil ?
Déjà condamné sur la foi de quelques images aux effets approximatifs, et de tweets crétins de pisseuses émotives, cet Aladdin new look venait alimenter la complainte désormais routinière des...
le 25 mai 2019
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La promo autour du film ne m’avait pas emballé et force est de constater que ce remake-ci n’a franchement pas grand-chose à proposer. L’histoire reste essentiellement la même, si ce n’est qu’elle mettra un peu plus l’action sur l’aspect politique de l’univers (afin d’ouvrir la voie à Jasmine), même si parfois il en fera vraiment trop. Toutefois, le film perd l’essence même des deux personnages principaux de son intrigue, à savoir Aladdin et Jafar, et l’univers merveilleux autour est relégué à gimick occasionnel (la Caverne des Merveilles… bah elle est juste là, quoi, et Tapis… ben il est là lui aussi).
J’ai beaucoup aimé l’effort qui a été fait autour du personnage de Jasmine, qui est clairement le gros point fort de ce film : que ce soit son rôle au sein de l’intrigue (jusqu’au climax, qui déconstruit au final tout ce qui avait été mis en place, mais passons) mais aussi de son univers, où elle porte plus à cœur les intérêts des siens que ses propres intérêts. Sa chanson « Speechless » viendra renforcer ce développement, en étant le pinacle et la consécration. De même, le rôle donné au Sultan est plus intéressant ici, car il n’est plus incompétent (comme dans le dessin-animé), mais bien manipulé, et c’est là toute la différence. Cependant, ces deux changements viennent avec une contre-partie.
Du fait que le Sultan ne soit plus incompétent et Jasmine ayant un rôle important dans la dynamique du film, du coup Jafar n’a clairement aucune motivation en dehors d’épouser Jasmine… Ce qui le rend ridicule et lui faisant perdre son charisme. Son seul motif à être Sultan, c’est faire la guerre au pays voisin parce que… parce que. Son obsession pour la lampe devient complètement débile puisque n’a aucune raison valable derrière. Tout ça se ressent d’ailleurs très bien avec son premier vœu : devenir sultan, afin de respecter le dessin-animé, sauf que ça sonne très vite vide et que Jasmine le rend inutile moins de 30s plus tard. Bref, Jafar est complètement bafoué dans ce remake, perd tout son intérêt, tout son charisme, tout ce qui en faisait un des méchants les plus marquants chez Disney.
Quant à Aladdin… C’est beaucoup plus simple en fait : il est fade. Fade dans son personnage, fade dans le développement du personnage. On ne s’y attache pas, à aucun moment le film ne parvient à nous connecter avec lui pour qu’on ait envie de suivre ses aventures. C’est au point qu’on souhaite revenir à Jasmine dès que l’histoire se concentre sur lui. Pire, il finit par devenir arrogant, narcissique, égoïste… tout ce qui ne fait pas Aladdin, ce qui rompt toute possibilité de s’y attacher avant le grand final. C’est dommage, dans le sens où Jasmine devient la véritable héroïne du film, techniquement, mais le film n’est pas à son nom et ce n’est pas elle qui reçoit la lampe. Et le film échoue clairement à faire du couple les héros du film, puisqu’Aladdin ne l’est pas.
D’ailleurs, si le début du film ne s’en sort pas trop mal dans la mise en place de son univers et de l’adaptation de l’intrigue, il perd très vite les rennes dans son dernier tiers : Jasmine s’émancipe avec Speechless mais 30s plus tard, elle se soumet à Jafar sans discuter avant d’être reléguer au rang d’otage (alors que pour le coup, ça aurait été intéressant de faire Aladdin l’otage et Jasmine l’héroïne tant qu’à aller jusqu’au bout, ou alors les deux affrontant Jafar ensembles). Au passage, Iago est aussi sacrifié, ne servant que là aussi de prétexte à changer le final (pourquoi avoir retiré le serpent si c’est pour avoir un perroquet monstrueux ?). Les règles du film et de l’univers changent toutes les 30s, Aladdin est envoyé dans les montagnes glacées à l’autre bout du monde sans raison en dehors de suivre le dessin-animé (mais dans la logique du film, ça n’a aucun sens). Bref, le dernier tiers devient brouillon, mais d’un côté reflète plutôt bien l’aspect général du film.
Le casting est… pour le moins inégal. À l’image des personnages, j’ai été agréablement surpris par Naomi Scott, à la fois pour le jeu d’actrice mais aussi la partie chant : elle est investie, crédible, attachante, et encore une fois éblouissante dans Speechless (quitte à même aller trop loin pour le coup). Il y a du cœur dans sa prestation. Tout comme Nasim Pedrad, en Dalia, même si elle n’a pas un rôle si important, ou Navid Negahban en Sultan. À l’inverse, c’est complètement catastrophique avec Marwan Kenzari pour Jafar, qui n’est rien d’autre que purement ridicule en surjouant à tout bout de champ et sans charisme.
Quant à Mena Massoud, c’est désolant : complètement à côté de ses pompes sur toutes ses scènes, souvenant maladroit au point d’être dérangeant le reste du temps… Même lors des numéros musicaux, il y a quelque chose qui sonne faux dans sa façon de bouger… Et je ne parle même pas des chants, pas une seule chanson n’est juste. Le seul point positif, c’est son numéro de danse pour impressionner Jasmine… Là, il y avait quelque chose.
Reste donc celui dont je n’ai pas encore parlé : Will Smith en Génie. Comment passer après Robin William ? Très facile : on ne peut pas. Toutefois, Will Smith sera sans doute le seul qui m’aura pleinement convaincu du début à la fin du film. Alors oui, lorsqu’il est en mode « Génie », ça fait un peu bizarre, mais le reste du temps, ça fonctionne très bien. Tout en rendant hommage à Robin William, il s’approprie le personnage à sa propre sauce pour donner un mélange qui fonctionne plutôt bien. Certes, la version du dessin-animé restera inégalée et inégalable, mais celle-ci a le mérite de tirer par le haut un film qui essayer désespérément de se tirer par le bas.
Techniquement… Disons que ça fonctionne plutôt bien. On reconnaît un peu la pâte Guy Ritchie dans la mise en scène (il a eu du mal à refréner quelques ralentis inutiles), mais il propose quelque chose qui fonctionne plutôt bien. Les numéros musicaux sont dans l’ensemble plutôt bon, même si on regrettera peut-être que « Prince Ali » se concentre trop sur les personnages et oublie de donner de l’ampleur à ce show sans demi-mesure (comme a pu le faire « Friend Like Me »). Le seul qui échouera vraiment, c’est « A Whole New World »… Alors heureusement que Naomi Scott le sauve du naufrage, mais c’est très fade dans l’ensemble, visuellement très pauvre… Certes, ça corrige les erreurs géographiques et aérodynamiques du film… Mais tout est vide, alors qu’on est censé découvrir les richesses du monde… Les effets spéciaux seront plutôt corrects (en dehors des fois où le Génie fait un peu bizarre), les costumes sont superbes tous comme les décors. Pour la musique, plutôt mitigé : « Arabian Night » est intéressante mais casse un peu le rythme de l’introduction, et il manque de réelles musiques symphonique (celles d’Alan Silvestri pour le dessin-animé étaient superbes !).
Bref, un remake qui propose des choses intéressantes avec le personnage de Jasmine, qui arrive à négocier l’héritage énorme du Génie, mais qui échoue sur tout le reste de façon magistrale. Le film est presque sans âme, sans panache… Autant jusqu’à présent, même les remakes les moins intéressants valaient le détour s’ils ne proposaient pas une alternative intéressante au dessin-animé ; autant là, il n’y a franchement aucun intérêt à s’attarder sur ce film tant ses bonnes idées se noient dans le reste.
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Créée
le 9 nov. 2019
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