Pas vraiment l'uppercut que l'on attendait
Michael Mann a de quoi être fier ! Parce que franchement, enchaîner deux films tels que Heat et Révélations, cela s’appelle réaliser un véritable coup de maître ! Que peu de cinéastes peuvent accomplir (il y aura bien plus tard un certain Christopher Nolan avec The Dark Knight – Le Chevalier Noir et Inception). Pas sûr que pour son film suivant, Mann réussisse à nouveau l’exploit de livrer un long-métrage d’une qualité exceptionnelle. Mais bon, comme le dit le dicton : « jamais deux sans trois ! ». Est-ce qu’Ali se révèle être le numéro trois de cette expression ?
Pour ce nouveau film, Michael Mann quitte le monde du thriller pour s’orienter cette fois-ci du côté du biopic (qui n’était pas encore à la mode à cette époque). S’intéressant à la vie du boxeur Cassius Clay, rebaptisé Muhammad Ali à l’âge de 22 ans, après avoir rejoint la Nation of Islam. Plus précisément, le long-métrage se focalise sur la période où le boxeur suivit l’engagement de ce mouvement, en plus des ces relations avec Malcolm X (ce qui bouleversa sa vie et sa carrière). Entre sa victoire historique en 1964 sur le champion du monde Sonny Liston et son célèbre combat (pour marquer son grand retour) contre George Foreman à Kinshasa, en 1974.
Première chose à faire lorsque l’on réalise un biopic : trouver l’acteur qui saura se faire oublier derrière une personnalité que tout le monde connait (en tout cas la majorité). Pour Ali, le défi a été relevé par Will Smith, ce qui est plutôt étonnant de sa part. Lui qui s’est plutôt illustré dans des blockbusters hollywoodiens dits décontractés (Bad Boys, Independence Day, Men in Black, Wild Wild West). D’accord, il y a eu Ennemi d’État, mais même là l’acteur avait quelque chose dans son jeu qui faisait ressortir un ressort comique. Ici, le comédien est juste méconnaissable ! Jouant à fond la carte de la sobriété. C’est-à-dire n’étant jamais le petit rigolo qu’il a toujours été. Se dissimulant sans aucun mal derrière le personnage grande gueule, vantard et battant (aussi bien sur le ring que dans ses convictions) qu’était Muhammad Ali (vu que le bonhomme voulait être appelé ainsi, respectons donc son choix dans cette critique !). Laissant de côté tous ses petits camarades, parmi lesquels nous trouvons pourtant un Jamie Foxx au top de sa forme.
Ensuite, là où Ali ne pouvait décevoir, c’est au niveau des séquences de combats. Où le but était de livrer des scènes qui sortent de l’ordinaire. De s’éloigner des références en la matière que sont la saga Rocky (regroupant les films de boxe les plus connus du monde entier) et aussi Raging Bull de Martin Scorsese. De ce point de vue là, le film de Michael Mann se démarque de ses prédécesseurs. Proposant une mise en scène qui flirte avec le style documentaire. En effet, le cinéaste commençait ici à exploiter cette caméra numérique qu’il utilisera pour tous ses projets qui suivront (Collatéral, Miami Vice et Public Enemies), offrant à l’image du film une authenticité hors norme. Complétant le tout avec des plans très précis qui mettent en valeur le travail fourni par Will Smith pour devenir le combattant qu’il est à l’écran. Capable d’effectuer un jeu de jambes aussi maîtrisé que celui de Mohamed Ali.
Rien à reprocher donc à cet Ali ? Encore un sans faute de la part de Michael Mann ? Malheureusement, cela n’est pas le cas… La faute au scénario. D’accord, il fait preuve d’un réel travail d’écriture en ce qui concerne Muhammad Ali (sa personnalité, ses ambitions, ses convictions, ses combats personnels…). Par contre, pour ce qui est des autres personnages, faudra repasser ! Tous apparaissent et disparaissent de l’écran (ou de l’histoire, cela revient à la même chose) de manière anecdotique, juste pour décorer l’ensemble. Et ce n’est pas la performance de Will Smith qui en est la responsable principale. Mais bien ce scénario, qui du coup, n’a rien de bien original. Ne faisant que suivre, comme tout biopic classique, le parcours d’une célébrité. De ce fait, il n’y a franchement que les fans du boxeur, du réalisateur ou bien de l’acteur, qui pourront trouver un véritable intérêt à ce film, qui risque de perdre bon nombre de spectateurs de par sa longueur un chouïa excessive (2h30 en version cinéma, 2h45 pour le director’s cut). Contrairement à Heat (2h51) et Révélations (2h38), qui ne provoquaient jamais ce sentiment d’ennui que l’on retrouve de temps en temps dans Ali.
En conclusion, Michael Mann ne réussit pas à avoir avec Ali une nouvelle carte gagnant pour se faire un brelan. Ali est un bon film de boxe, mis en scène avec savoir-faire et très bien interprété. Malheureusement, le long-métrage souffre de la comparaison avec les autres titres du genre, n’arrivant pas vraiment à se démarquer question originalité. Et aussi avec les films précédents du réalisateur, qui ont frôlé l’excellence même. Il est donc difficile pour Ali de se présenter comme l’œuvre inoubliable qu’il aurait pu être. Il n’y a que l’unique nomination pour Will Smith à l’Oscar du Meilleur acteur pour ce rôle qui permet au film de ne pas rester inaperçu.