Toujours debout
Avec Ali, Michael Mann nous immerge dans l’intimité du boxeur afro-américain, dépeignant sa vie entre 1964 et 1974, deux dates où il sera champion du monde. S’il aborde sa vie sur le ring, il...
le 4 juil. 2014
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Un jour, le véritable Muhammad Ali a dit à Will Smith qui hésitait à accepter le rôle qu’il était "presque assez beau pour le jouer". Il n’en fallait pas plus à Will Smith pour accepter. Après un an de préparation à rencontrer les plus grands boxeurs, il était prêt. Ça lui a aussi demandé un travail dingue pour se glisser dans la peau d'Ali. Et je dois dire que le bonhomme m'a scotché. La VF a malheureusement zappé tout ça. En VO, son phraser, sa voix, c'est Ali. Pourtant cela va plus loin qu'une simple imitation. Chez les personnages secondaires, Jamie Foxx campe un Bundini au moins à moitié aussi parfait que Smith campe Ali, ce qui est déjà pas mal. Angelo Dundee, l'entraineur d'Ali, est un peu trop absent du film selon moi, comparé à d'autres, mais je n'ai pas d'objection majeure pour Ron Silver. Jon Voight est totalement crédible dans le rôle du journaliste Howard Cosell.
Le film va couvrir une phase bien précise de la vie d'Ali : 1964-1974. 1964, il a 22 ans, il s'appelle encore Cassius Clay, c'est son premier championnat du monde et personne ne lui donne une chance face à Sonny Liston, le champion incontesté de l'époque qui assommait tout le monde. Leur combat démarre quelques minutes après le début du film. La manière qu’à Mann de mettre en scène les combats peut dérouter ceux qui sont habitués aux combats spectaculaires mais franchement impossibles style Rocky. Pourtant c'est bien maitrisé, le bruit des coups est réaliste, et Will Smith campe un boxeur totalement crédible. Je ne parle pas de ceux en face car ils sont tous joués par des boxeurs professionnels.
Fatalement comme dans tout biopic, le film doit faire des choix : Parler ou non de cet épisode de sa vie, présenter ou non telle personne, tel adversaire sous tel jour ou sous un autre. Ainsi, premier choix important du film : Un produit sur les gants de Liston a aveuglé Clay dans la réalité, Mann fait le choix de dire que c’était volontaire. On ne voit pas faire le manager mais on entend Liston lui dire de mettre quelque chose, il ne dit pas quoi. Or je pense que les regards des protagonistes et les angles de caméras auraient pu être assez parlants sans avoir besoin de cette réplique, et entretenir subtilement le doute qui règne toujours sur le fait que la manœuvre ait été intentionnelle, car 50 ans plus tard, le doute subsiste.
Quoi qu'il en soit Clay a remporté le combat, et le championnat du monde. Un autre point se dévoile au moment de sa victoire, la BO splendide. Elle le restera jusqu’au bout du film, mais j’en reparlerai. Will Smith continue à me mystifier. Mais on n’idéalise pas le personnage et c’est important : Comme à l’époque il était séducteur (pour ne pas dire coureur de jupons) on le montre à plusieurs reprises.
Arrive ensuite le moment délicat pour le spectateur qui connait mal la vie d'Ali : Son amitié avec Malcom X, sa conversion à l'Islam et son changement de nom, de Cassius Clay à Muhamad Ali, ses amours. Si sa conversion à l'Islam est pour moi un passage très intéressant (principalement parce qu'on entrevoit déjà la manière dont les Black Muslims se servaient de lui à l'époque) je reste plus partagé sur les passages avec Malcom X, je n'irais pas jusqu'à dire qu'ils sont superflus, mais je sens que mon attention décroit à chaque fois que j'en arrive à ses scènes, exception faite de sa mort pour son caractère malheureusement sanglant.
Autre choix important du film : La revanche contre Liston en 1965 montre que le coup d'Ali était bien réel, beaucoup de monde ayant avancé que Liston s'était couché, encore parfois aujourd'hui, avançant des raisons de plus en plus abracadabrantes. Tout comme je me refuse à considérer que Liston a triché pour gagner le premier match, je me refuse aussi à croire qu’il a triché pour perdre le second.
Arrive alors le moment où le gouvernement cherche à perdre Ali en voulant absolument l’expédier au Viet-Nâm alors qu'il a échoué au test d'incorporation et qu'il était dans les derniers sur leur liste, avant, étrangement, de bondir sous les « A incorporer en priorité ». A l'époque en effet, on cherchait à fermer la gueule d'Ali. Celui-ci a trop ouvertement protesté contre cette guerre, mais ça lui a couté son titre de champion du monde et sa licence sportive car là encore (le film le montre bien) les instances de la boxe ont sauté sur l'occasion et l'ont désisté de tout. Plus champion alors qu'il était invaincu, plus possible de boxer alors qu'à 25 ans, il arrivait dans les meilleures années de sa carrière. On n'a jamais vu l'apogée d'Ali.
Ce qui me fait réaliser qu'on passe vite fait de 1965 à 1967. Si ce n'est brièvement avec Terrell, on n'aborde que peu sa carrière et la manière dont il a enchainé les défenses de titres. Le film insiste sur son combat public : Comme tout le monde le lâche à commencer par ses meilleurs « amis », les musulmans le bannissent. Malgré quelques fidèles, il se retrouve ruiné et pourtant poursuit son combat. Peu de monde renoncerait à tout ce qu'il a eu tant de mal à obtenir, on voit que pour ses convictions Ali l'a fait, et a perdu son titre et sa fortune.
Mais tout à une fin et quand l’Amérique s'est retournée contre la guerre du Viet-Nâm, Ali a retrouvé sa licence et a gagné une loyauté indéfectible du public. Il a pu remonter sur le ring en 1970, mais arrêter plusieurs années à ce niveau lui a beaucoup couté physiquement. Le film ne le dit pas explicitement. Du reste, le passage des années est un peu vague si on ne connait pas sa carrière. Après une heure et demie, 6 ans se sont passés depuis le début du film, et 3 ans et demi depuis son exil.
J'aime, peu avant le rétablissement d'Ali, qu'on ait une scène où lui et Frazier se retrouvent pour parler de leur hypothétique combat, c'est une bonne chose. Par contre, le choix de montrer Ali refuser l'argent de Frazier alors qu'en réalité il en a reçu, me laisse perplexe. On voit comme Ali pardonne facilement (des proches estiment qu'il a été 1000 fois trop indulgent dans la réalité) ceux qui l'ont lâché et reviennent la queue entre les jambes. On ne va pas jusqu’à les montrer se servir dans ses poches sans qu’il ne dise rien en étant pourtant au courant, mais c’est tout juste.
Je pense que le combat contre Joe Frazier aurait pu être plus développé, il est vrai que c'était un combat de long haleine, 15 rounds vraiment terribles, donc galère à chorégraphier et à filmer, mais il y a également les à côté. A l'époque, l'importance de combat a atteint des sommets, de quoi donner le tournis à la boxe, à l'époque où le titre de champion du monde voulait encore dire quelquechose. Mais là où je suis un peu déçu, c'est sur l'après combat. Ali a subi sa première défaite en ce mois de février 1971, et il va subir un chemin de croix durant les années qui suivent :
Il va enchainer les combats, subir une autre défaite contre Norton, gagner la revanche ainsi que celle contre Frazier... Mais tout ça, le film n'en fait pas état. En une scène, on passe de début 1971 à début 1973 quand Foreman bat Frazier pour le titre... et la scène suivante, on passe à fin 1974 pour le combat en Afrique Ali/Foreman ! C'est ce qui s'appelle sacrément résumer. Il est vrai qu'on approche gentiment des 2 heures de film mais je continue de penser que certaines scènes auraient pu être sacrifiées pour aborder un peu plus ces moments. De plus, des 3 combats que l'on voit (mis à part le bref combat contre Terrell) Ali affronte des adversaires du même genre : Des purs cogneurs, lui qui était plutôt un styliste, il y a peu de variété dans les batailles qu'il mène à l'écran.
On arrive donc au Zaïre : Ali va affronter George Foreman, plus jeune, invaincu, qui a démoli Frazier et Norton en 2 rounds, qui compte 40 victoires dont 37 par KO. On n'hésite pas à aborder les à côtés moins glorieux de ce combat entièrement organisé par des noirs : Le président Mobutu qui s'engraisse, le promoteur Don King qui est plus que louche, on l'a bien vu depuis... Les conférences de presse d’avant combat sont une véritable ode au talent de Will Smith. Il est en verve, très drôle, et on a l'impression d'entendre le vrai Ali.
Les scènes de ménage entre Ali et sa femme sont fortes, mais la scène la plus forte du film reste, pour moi, la scène de jogging d'Ali dans les rues de Kinshasa. Ali découvre la réalité quotidienne de pas mal d'habitants, et la musique "Tomorrow" de Salif Keita est une pure merveille. Quand Ali avec les dessins d'enfants sur les murs, se rend compte qu'ils ne voient pas en lui un simple boxeur, mais quelqu'un qui a même le pouvoir d'éloigner la guerre et repousser des tanks à lui seul, ce n’est pas loin d'être bouleversant.
Arrive alors le combat final, l'enjeu est clair, Ali veut reconquérir son titre 14 ans après le début de sa carrière, 10 ans après son premier titre et 7 ans après qu'on l'en ait dépossédé. D'un pur point de vue pugilistique, c'est le plus beau combat du film, il faut dire qu'il n'y en a pas tant que ça. On voit parfaitement la puissance de Foreman et la manière dont Ali le mystifie et l'épuise tout au long des rounds. Les gros plans au ralenti d'Ali mettant Foreman à terre, la célébration des Zaïrois avec à nouveau la musique Tomorrow (je me répète mais ce morceau est vraiment parfait) sont remarquables.
En conclusion le film, Ali n'est pas une parfaite réussite en raison de passages un peu longs, d'approximations et de choix parfois discutables. Cela étant dit, ils ont raconté les 10 années les plus importantes de la carrière d'Ali et s'arrêtent à son apogée. Les acteurs sont proches de la perfection : Will Smith après Independance Day et Wild Wild West aurait pu tomber dans la spirale des rôles médiocres, mais il a gagné ses galons ici pour moi. La musique est une merveille, les combats sont très réussis, je vous le conseille.
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le 2 mai 2016
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