J'avais découvert il y a un petit temps le cinéma d'Elia Kazan avec Sur les quais, joué par le formidable Marlon Brando. Si je dois reconnaître que c'est un bon film, ce n'était pas non plus le chef-d'oeuvre auquel je m'attendais. N'ayant pas du tout envie d'abandonner la piste du cinéaste, on m'a conseillé America America. Et là, je peux vous dire que le chef-d'oeuvre est bien au rendez-vous...
Et pour cause? Il y a quelque chose d'absolument émouvant dans l'histoire du cinéaste. Il se base de faits très personnels pour écrire et réaliser ce film. C'est tout simplement l'histoire de sa famille qui nous est contée. Kazan parvient avec un postulat de départ intime à réaliser quelque chose dont les thèmes ont une portée vraiment universelle.
Premièrement, il y a cette façon de montrer le pogrom réalisé contre les Arméniens par les Turcs. Sans réelle prise de position et en rappelant aussi que les Arméniens avaient, à la base un rôle bien plus sombre que celui de simple peuple victime d'un massacre (le terme génocide n'étant pas encore d'application vu qu'il n'a toujours pas été reconnu en tant que tel par la Turquie). Mais la réaction des Turcs est évidemment très disproportionnée. Il y a vraiment une superbe séquence, peu avant le massacre, quand l'ami arménien de Stavros entame une danse dans un café rempli de Turcs. On sent que c'est un final, un peu comme un chanteur lors de son dernier concert à sa dernière tournée. Quelque chose de tragique et de dramatique dans cette danse.
Ensuite, Kazan filme de manière remarquable les paysage de l'île ou de manière générale les décors, le charme local, le pittoresque de la région, etc. De la sorte, il rend un véritable hommage à ses origines. Vraiment magnifique. De cette manière aussi, on est plongé dans le bain et on n'en ressort qu'à la fin.
De la même façon qu'il rend hommage à ses pays d'origine, c'est bel et bien à ses aïeuls que l'hommage se montre le plus vibrant. L'histoire de son oncle et de sa famille nous est contée de manière sublime, avec beaucoup de retenue et d'élégance, en ne noircissant pas le tableau mais en ne se montrant pas non plus trop complaisant. C'est aussi sa façon de leur dire merci pour ce qu'il est devenu (un cinéaste talentueux) et sans le voyage entrepris par son oncle, il n'aurait jamais pu devenir un metteur en scène.
Car il fallait une bonne dose de courage pour entreprendre le voyage vers l'Amérique. En cette époque, le début du 20ème siècle, il faut surtout trouver de l'argent pour manger. Et pour cela, il faut être prêt à accepter les boulots les plus minables et les plus difficiles. Et en retour gagner à peine de quoi se nourrir au jour le jour. Stavros a beau économiser, ce n'est pas avec son salaire qu'il pourra partir en Amérique. La solution viendra avec un mariage arrangé avec la fille d'un homme respecté de Constantinople. A partir de ce moment, Stavros aura assez d'argent que pour pouvoir entreprendre le voyage vers la Terre Promise.
L'oeuvre est également une superbe fable à l'amitié et au don de soi, à travers les personnages de Stavros et Hohannes. Le sacrifice de ce dernier est vraiment remarquable. C'est aussi un film qui s'interroge sur l'amour à travers la relation entre notre héros et la femme d'un riche américain.
Durant 2h50, le spectateur est véritablement plongé dans une autre époque, dans un film tout simplement incroyable, aux scènes souvent très fortes et marquantes et le rendu de ce temps, qui n'existera probablement plus jamais, est tout aussi réussi. Le chef-d'oeuvre de Kazan, sans aucun doute.
batman1985
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le 6 mai 2011

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