Plongée dans une Amérique qu’on a rarement vue au cinéma, American Honey est un véritable tour de force narratif et visuel, renforcé par le regard européen de sa réalisatrice.
Pendant 2h54 (qu’on ne sent jamais) , Andréa Arnold colle au plus près des (mes)aventures de sa jeune héroïne Star, qui vient illuminer le groupe de marginaux qu’elle rejoint après avoir fui son milieu familial très toxique et surtout en décalage total avec elle.
Sa romance avec Shia Leboeuf la conduira à s’émanciper de ce groupe dont la liberté la fait d’abord rêver, puis vite déchanter quand elle s’aperçoit que cette liberté reste totalement quadrillée par le personnage de Riley Keough.
La force du regard d’Andrea Arnold c’est qu’elle ne juge jamais personne. Chaque personnage est incarné. Chacun trouve sa place dans le film comme il a trouvé sa place dans ce groupe de marginaux attachants. La caméra semble invisible aux autres. Il est difficile de réussir les films de groupe (je pense à l’insupportable Les Ogres, de Léa Fehner) donc la performance est ici criante authenticité
et de vérité.
Cette Amérique qu’on ne voit jamais trouve ici un vrai présentoir ni manichéen ni caricatural. Que ce soit avec les personnages de cow boys qui embarquent Star chez eux, et à côte desquels Shia Leboeuf paraît soudain beaucoup plus excessif , ou les ouvriers à la fin du film (séquence très dérangeante, mais forte et bien dosée).
Caméra à l’épaule, façon Frères Dardenne, on colle au plus près de Star, on ressent chacun de ses tourments, de ses peurs parfois, de sa joie souvent. Shia Leboeuf nous apparaît de suite comme à la fois un objet de cinéma fascinant et également comme un futur fauteur de troubles. Le choix de le suivre fait par Star nous semble alors crédible, mais la naïveté dont elle fait preuve est annonciatrice des problèmes qu’elle rencontrera plus tard dans le long métrage.


Le film raconte une quête intérieure, la volonté chez Star de se trouver au sein d’un groupe qui s’éloigne complètement de ce qu’elle est au début du film, c’est à dire une jeune fille seule qui s’occupe difficilement de son frère et sa sœur. On se trouve soi même en allant vers les choses qui sont les plus éloignées de nous, aussi bien géographiquement que mentalement, c’est ce que semble dire le film.
Dans ce groupe là, Star, en y trouvant sa place, en s’exprimant au sein du collectif, y trouve également une issue pour s’en affranchir, pour s’émanciper pleinement, dans la plus belle scène du film. La danse autour du brasier suivi de l’ultime plan où elle sort de l’eau. Comme une renaissance.
Ce que j’aime le plus dans le film, c’est son côté à la fois positif voir naïf et son côté conscient que cette liberté n’est que factice, tellement encadrée qu’ils vivent dans une bulle imperméable au monde extérieur. Ils ne se rendent pas compte, ou font semblant de ne pas le voir, qu’ils sont exploités et prisonniers de ce van.


Grand film donc sur l’émancipation d’un personnage magnifique et magnifiée par une comédienne incroyable, American Honey susurre des vérités bienvenues sur la liberté de l’individu au sein d’un groupe marginal, tout en subtilement lui dessiner les contours d’une indépendance au final réduite.

SimonDeschamps
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le 8 nov. 2020

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Simon Deschamps

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