American Woman !
American Honey fait partie des rares films qui nous emportent dès sa première scène jusqu’à sa dernière. Pendant ces 2h40, on reste bouche bée devant la beauté des scènes qui défilent sous nos yeux...
le 24 mai 2016
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Sur le bitume de routes étasuniennes qui résonnent dans un vide étourdissant, l’endroit le plus hype du pays n’est pas celui que l’on croit. Au contour d’une Amérique aux visages troubles, il y a un bus qui fourmille de pulsations juvéniles. Une sorte de limousine pour les pauvres, un amas de rêves refoulés qui fait cracher les basses à coup de Hip Hop fédérateur et de refrains à la gloire d’un argent qui se trouve aux quatre coins des Etats Unis. Andrea Arnold agence avec American Honey l’odyssée d’une bande de jeunes dépourvus de famille qui déambulent de ville en ville pour vendre des magazines en faisant du porte à porte dans le seul but de se faire de l’argent : où tout du moins de subsister et de survivre à un pays où l’American Way of Life se fait rêche et déliquescent.
Et dans un métrage qui joue la carte du naturalisme, qui s’amuse des codes du genre, qui prend les formes du cinéma du vrai proche du versant documentariste, les influences viennent d’elles-mêmes : notamment Larry Clark avec sa jeunesse désœuvrée, droguée, alcoolisée et sa sexualisation omniprésente, et Harmony Korine et cette description d’un pays puritain aliénant et qui s’isole de plus en plus dans ses contrées fermées. Mais alors que le film aurait pu devenir un énième métrage sur cette jeunesse en déconstruction aux scènes rébarbatives et voyeuristes où le misérabilisme fait souvent sa loi, Andrea Arnold inscrit avec véhémence son regard de cinéaste.
D’un point de vue cinématographique, American Honey est un film qui reprend les traits des précédentes œuvres de la réalisatrice, un assemblage entre Fish Tank et Les Hauts du Hurlevent : du premier, elle rejoint cette empathie vacillante pour une jeunesse qui mérite d’être écoutée sans jamais tomber dans la facilité du récit victimaire, avec cette proximité des corps et ses scènes de sexe suintantes et captivantes. Du deuxième, elle réutilise le cadre du 4 :3 et cette mise en scène au cordeau, caméra à l’épaule où les effluves corporels se confondent avec son univers sensoriel voire contemplatif.
Au-delà d’une réalisation qui confine son cadre, qui resserre ses personnages dans un cadre restreint malgré l’immensité du monde dans lequel ils surgissent, c’est l’empathie d’Andrea Arnold qui fait toute la puissance narrative d’American Honey. Car même si elle n’oublie jamais de représenter les craintes et de matérialiser les failles d’un système ou les frayeurs d’un territoire habité par des êtres aux velléités précaires et déviantes, la réalisatrice arrive toutefois à inculper une sorte de joie communicative, une folie adolescente qui réchauffe le cœur.
Derrière la dureté du quotidien, cette vie qui fait la balançoire entre motel miteux et bus confiné, derrière ses mœurs de groupe parfois terrifiantes (« la soirée des losers »), American Honey enchante avec ses moments de rien du tout, cette communion adolescente qui sursaute. D’ailleurs, le récit divague de façon binaire entre les deux endroits, et voir toute cette troupe qui rêvasse et qui se détache d’une certaine réalité dans ce car pour touriste est la sublime idée de mise en scène du film : la musique se fait imposante et les visages s’entrouvrent face aux réverbères des fenêtres qui les séparent du monde réel.
Processus qui se rapproche du clip mais qui chez Andrea Arnold prend une tout autre importance. Dans la tonalité Hip Hop R,n,B moderne qu’insuffle le film et qui s’acclame comme un cri de guerre (« Nope Yup ») , American Honey se rapproche d’un Spring Breakers avec ces jeunes qui chantent à tue-tête sur des parkings en hommage à la maille. American Honey est un décryptage du capitalisme où l’argent est roi : tu fais gagner, tu restes sinon c’est la porte dans un univers féroce et animal (motif récurrent).
Et dans le sillage du portrait de l’Amérique trumpiste qui se délite de son christianisme hypocrite et dégaine presque 1000 dollars pour une branlette nocturne, Andrea Arnold se concentre sur l’étoile de son film, la vibration volcanique qui fait imploser American Honey : Sasha Lane qui incarne Star, une adolescente qui a perdu sa mère et qui doit s’occuper d’enfants qui ne sont pas les siens pendant que la mère de ces derniers danse de la country sans aucun remord. De là, elle rencontre Jake (incroyable Shia Laboeuf), et les deux sont le Ying et le Yang.
Lui est le petit préféré de la patronne et joue les vendeurs d’opérettes. Mais derrière sa gouaille intempestive se cache une émotion infinie. Elle, est la nouvelle. Deux échos qui se rencontrent, s’affrontent, se défendent, se mentent, baisent et rêvent d’un petit coin de paradis utopique. Sauf qu’au lieu d’ajouter à son récit un mélodrame lourdaud, American Honey façonne un duo en manque de repère qui crée de lui-même une trame, une tension aussi romantique que malaisante à un film qui trace sa route sans se soucier des conséquences, hanté par ses rêves.
C’est beau et simple. Andrea Arnold ne ratisse jamais large et ne cesse de surprendre, d’accentuer ce rapprochement entre le spectateur et cette bande, pour au final, ne faire qu’un, autour d’un feu dont le lac environnant est signe de renaissance.
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Créée
le 17 févr. 2017
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