American Nightmare 5 : Sans limites, ou The Forever Purge en VO, annonce le programme dès son titre. Effectivement, c'est le cinquième film de la série, James DeMonaco est encore au scénario, la formule est sensiblement la même que précédemment, avant que tout ne change à la fin du premier acte.
Mais le changement ne se résume pas à la structure du scénario. Rien que le lieu de l'intrigue a de quoi alerter. Après avoir privilégié le nord des USA et la côte est, nous allons ici plein sud, au Texas, près de la frontière mexicaine. Et comme d'habitude, on présente nos personnages principaux dans l'exposition en montrant leur contexte habituel, avant la purge. Il s'agit ici d'Adela et Juan, immigrants mexicains ayant fraichement franchi la frontière clandestinement, et vivant le rêve américain à fond. Adela, dans une une grande boucherie industrielle, et Juan, dans un ranch en tant que vrai cow-boy, où il fait face au racisme de certains collègues.
Souvenons-nous ici que l'épisode 4 était un préquel, montrant la première purge organisée aux USA, à savoir, une nuit dans l'année où tous les crimes étaient autorisés. L'opportunité de s'apercevoir qu'il s'agissait aussi d'un moyen pour le gouvernement de se débarrasser des pauvres et de toutes les personnes qu'il estimait nuisible. Au contraire, l'épisode 3 présentait la dernière purge, en montrant la campagne présidentielle d'une candidate qui avait pour programme de mettre fin à cette barbarie.
Le situation ici est le retour de la NFFA (Nouveaux pères fondateurs) au pouvoir et le rétablissement de la purge annuelle après sa brève abolition. Mais entre temps, dans la réalité, Trump a été élu président des Etats-Unis. Le troisième film étant justement sorti en 2016 et l'intrigue présentant judicieusement une campagne électorale. Le 6 janvier 2021, la Capitole a été saqué par les partisans de Donald Trump, président défait qui ne voulait pas lâcher le pouvoir. La désinformation pullule aux Etats Unis, notamment sur Fox News. Tant et si bien que la dystopie présentée dans la saga The Purge, ne s'éloigne plus tellement de la réalité.
A savoir que les limites de la décence sont dépassées. Tout l'intérêt de la purge est d'opérer une catharsis l'espace d'une nuit dans l'année. Mais plus on en donne à des extrémistes, plus ils en veulent. Plus on manipule les masses avec du populisme, plus elles deviennent incontrôlables. Et tout le monde se déteste, tout le monde se craint, tout le monde s'arme. En outre, dans ce contexte, on recherche constamment des bouc émissaires.
Le réalisateur mexicain Everardo Gout ne s'y trompe pas et filme tout cela avec jubilation. Tantôt en utilisant le champ comme une cour de récréation géante où tout peut se passer dans des plans larges effrayants, par exemple la banalité de la violence, captée par une caméra de surveillance. Où l'idée de caméras subjectives permettant de s'immerger dans l'action. La mise en scène instille également un climat de paranoïa où le danger peut venir littéralement de partout. Même en plein jour. Car oui, les règles ont changé. Dans ce film, on n'est jamais autant en danger que lorsque l'on se sent en sécurité.
Mais le point fort du film est son scénario renouvelé. Montrer des mexicains fuyant la violence des cartels pour trouver une violence plus pernicieuse aux Etats-Unis permet de prendre conscience du problème. Ainsi, quand Adela dit que dans son pays, dans certains endroits, c'est tous les soirs comme la Purge, il y a de quoi être effrayé. Et il y a aussi de quoi se dire que personne n'est à l'abri de certaines dérives en ce qui concerne la violence, et qu'un sursaut est nécessaire pour la combattre. Et pour prendre conscience des choses, la dystopie peut servir, surtout lorsqu'on inverse avec gourmandise certains états de faits qui semblent établis des deux côtés du Rio Grande. The Purge 5 arrive enfin à sublimer son concept pour le dépasser. Et au bout de la cinquième itération, c'est un délai somme toute raisonnable.
Critique également disponible sur mon blog