Après une "Enfance d'Ivan" qui m'introduisit prosaïquement dans la filmographie de Tarkovski, j'espérais beaucoup de cet Andreï Roublev. Il se trouve que ça me parle, moi, la vie d'un moine médiéval peignant des icônes en Russie ! Au vu de la longue durée du métrage (un peu plus de trois heures), je m'imaginais une lente et sublime traversée mystique dans les atermoiements de l'âme humaine.
Finalement, le film me surprit par un aspect plus terrestre qu'aérien, malgré les fausses promesses de la première séquence qui se termine en un avertissement on ne peut plus abrupte: l'homme n'est pas fait pour s'élever. Il revient toujours à la glaise qui l'a vu naitre. Nous sommes des êtres de chair et non d'esprit. Vraiment ?
Le film ne cherche pas spécifiquement à montrer le sublime, si ce n'est lors d'une inattendue excursion en territoire païen. Dès que l'on retourne en terre chrétienne, le monde redevient dur, froid et morne. Le spectateur suit la vie de moines sans jamais ressentir de présence divine. Oui, ça ressemble presque à une blague, sauf que Tarkovski est totalement dépourvu d'humour.
Pire: le sujet du film est un peintre que l'on ne voit finalement... jamais peindre. Dès lors, comment se sentir pleinement concerné par ses doutes ? Par sa "nuit noire" spirituelle ? Il eût fallu nous montrer la valeur de son talent artistique, si souvent proclamé par les personnages secondaires, pour espérer nous en faire regretter la perte...
Malgré cette déception, le film ne se révèle pas ennuyeux durant ses deux premières heures. Les séquences sont suffisamment hétéroclites pour nous donner une impression de chaos qui force à la vigilance du spectateur. Comprendre ce qui se passe à chaque instant n'est pas si facile, la faute à une narration qui n'est pas avare en ellipses et autres hors-champs subjectifs.
La réalisation est donc, et de loin, le point fort du film, rythmée par des plans-séquence qui favorisent toujours un peu plus l'immersion, là où le scénario, à mon sens moins maitrisé, voudrait nous éloigner de toute compréhension organique.
Et puis, la dernière séquence. Pas loin d'une heure au sujet de la fabrication d'une cloche. Avec un personnage qui sort de nulle part et qui est pourtant sensé apprendre au héros, en même temps qu'au spectateur, la véritable signification de la foi. Mais non, ça ne marche plus. Le fondeur de cloche manque cruellement de crédibilité: c'est juste un ado qui risque sa vie sans aucune raison valable. Sauf si rechercher les honneurs d'un Prince corrompu est une raison valable pour vous. Il est d'ailleurs assez ridicule de le voir donner des ordres à des hommes qui ont l'air d'avoir trente ans de métier alors que lui n'a aucune expérience ni conscience véritable de ce qu'il fait.
Mais c'est censé être une preuve de foi. C'est le Père Andreï qui vous le dit.
Espérons que le voyage mystique que je recherche si avidement chez Tarkovski réponde présent dans la suite de sa filmographie...