Le rebelle apprivoisé
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De Yu Irie, je n’avais rien vu, en dépit de sa filmo commencée en 2009 et longue d’une douzaine de films. Parmi eux, des titres qui puent les films de commande dispensables, d’autres qui ont l’air intéressants mais encore difficiles à voir (c’est-à-dire avec au moins des sous-titres anglais).
Du coup c’est un peu avec curiosité que je me suis lancé dans le visionnage de ce An no koto, actuellement visible au 18e Kinotayo du musée Guimet (sous le titre « Ann »). Et puis, comme je me demandais à quoi pouvait ressembler le jeu de la charmante Yuumi Kawai, ça tombait bien.
Dans les deux cas, aussi bien la réalisation que la prestation de l’actrice, je n’ai pas été déçu. L’histoire m’a évoqué la frange la plus sombre d’un Kore-eda. Loin de films lumineux comme Notre petite soeur ou Après la tempête, on serait plutôt dans le Kore-eda de Nobody knows, avec cette histoire de survie à cause d’une mère qui abandonne ses enfants. Avec une différence : le curseur est poussé un peu plus du côté de la noirceur. En quelques mots, l’histoire :
Ann est une jeune fille qui n’a pas eu de chance dans la vie. Battue par sa mère, forcée à se prostituer dès l’âge de douze ans, elle est très vite sortie de sa scolarité, avec en plus une addiction aux drogues. Tout change quand elle est recueillie par un flic, Tatara, qui gère une association d’aide aux toxicomanes. Prise sous son aile, Ann va peu à peu s’éloigner de sa mère, trouver un boulot dans un hospice, suivre des cours du soir. Jusqu’au jour où le Covid va de nouveau faire basculer sa vie…
Présenté comme cela, ça ne fait peut-être pas complètement envie. Vous vous dites peut-être que ça pue le misérabilisme ou les scènes putassières. Mais en fait, non. Tout en usant d’un certain réalisme documentaire qui sonne vrai, Irie a l’intelligence d’user de son personnage de flic de manière plus légère, en choisissant l’acteur Jirô Satô (excellent dans Missing, de Katayama, en 2021), grosse masse forte en gueule et bouffonne, permettant de contrebalancer certaines scènes plus pesantes (le personnage de la mère d’Ann est… atroce). Quant à Yuumi Kawai, excellente surprise. Une autre en aurait peut-être fait des tonnes dans son rôle d’ancienne petite prostituée à demi détruite par la drogue. Pas Kawai qui, probablement bien dirigée par Irie, parvient à rendre touchant cette encore gamine qui s’efforce de rattraper le temps perdu. Contrairement à Émilie Dequenne dans la Rosetta des Dardenne, son personnage est moins vif, plus besogneux, assez taiseux et peu expressive. Et pourtant, on la suit avec attention, épousant pleinement sa volonté de s’en sortir.
Après, soyez prévenus, la légèreté bat de l’aile à partir de la deuxième moitié du film, à cause du Covid, donc (on imagine le nombre de vies minuscules comme celle d’Ann qui en ont chié à cause de l’épidémie), mais pas que. Si certains événement font peut-être un peu trop mélo dans la plus pure tradition du XIXe siècle (cf. la demande WTF de la voisine), on ferme les yeux et on se laisse porter dans des montagnes russes dont on espère que la fin sera lumineuse (là, je ne dis rien).
Lors d’une récente interview, Irie a exprimé son désir de continuer dans cette veine sociétale. Franchement, vu le résultat d’Ann no koto, on espère qu’il va rapidement trouver un nouveau sujet. Quant à Yuumi Kawai, souhaitons qu’elle perdure dans des rôles demandant une certaine exigence.
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