Il est de ces moments, dans un film, ou la symbiose musicale et visuelle, l'ambiance, le rythme et l'acting engendre un chef d'oeuvre instantané, qui ne laissera personne indifférent.
Torturé, envoutant, Annette est avant tout un opéra rock aux antipodes des propositions musicales de ces dernières années.
Osant s'aventurer dans une atmosphère morbide, laissant la part belle au dramaturgique dans certaines séquences théatrales suspendues dans le temps, Annette est une oeuvre complète et unique.
S'ouvrant paradoxalement sur une marche festive, on découvre les acteurs, main dans la main, intronisant leurs personnages dans une métamorphose de costumes, se figeant au bout de leur course sur la véritable ouverture de l'oeuvre, plongeant alors le spectateur dans les abysses cruels d'un futur naufage humain.
Pour accompagner son film, Leos Carax s'entoure de Adam Driver, Marion Cotillard et Simon Helberg, tous trois au sommet de leur interprétation, composant avec le rythme effréné des scènes et la trés variée palette émotionnelle que le scénario peut leur offrir.
Cotillard n'aura jamais été aussi envoutée par un role, l'alchimie avec le remarquable Adam Driver portant le métrage à bout de bras.
Quant à lui, Driver est possédé par son role de comique en déclin, sa noirceur prenant progressivement le dessus, dans une envolée constante d'orchestration horrifique et pesante, jusqu'a l'arrivée de leur nouveau né Annette, point d'orgue d'un propos édifiant sur les frustrations artistiques et les jalousies toxiques.
Brillamment, Annette est métaphorisée par une marionnette maladroite, génante, parfois malsaine, accompagnée d'une main de maitre par une soundtrack des plus perturbante.
Petit voix fluette et discrète, Annette est un pied de nez à l'exploitation humaine, une enfant existant uniquement à des fins financiers, et pansement vivant des conflits émotionnels dissimulés de ses parents désabusés, jusqu'au final, ou la fin d'une tutelle parentale venimeuse va rendre son humanité à ce petit bout en quête d'un amour véritable.
Cette dernière composition musicale mettra en avant une Annette qui pourra enfin exister, s'affirmer, répliquant intensemment avec son père dans des derniers échanges poignants.
Un film qui marque ... Cannes s'en souviendra, nous aussi.