Quand un monstre de la culture américaine est adapté de nos jours, avec Will Smith et Jay Z à la production, on est forcément curieux. La comédie musicale que tout le monde connaît, au moins en partie, joue le jeu de la comédie chaleureuse en pleines vacances d’hiver. Complexe.
Mise en lumière en 1977 en comédie musicale, adapté de la bande dessinée « Little Orphan Annie » de l’entre-deux guerres, Annie n’a cessé d’être remise au goût du jour suivant les époques. Parmi les adaptations les plus connues, l’Annie réalisé pour la télévision en 1982 reste encore aujourd’hui un jalon référence. Une lourde tâche que l’Annie d’aujourd’hui relève à grands coups de billets verts avec 70 millions de dollars de budget.
« It’s the Hard Knock life ». Un refrain que le grand public connaît grâce à la fameuse chanson de Jay Z éponyme. Aujourd’hui, le producteur de Brooklyn fait plus que reprendre l’histoire d’Annie pour une chanson. Il la transpose au cinéma, en même temps qu’il la transpose dans notre société. Un terrain souvent glissant, malheureusement arpenté à grands renforts de clichés.
PAUVRE, C’EST BIEN, RICHE, C’EST MIEUX
Quitte à adopter de nouveau Annie, autant la ramener chez nous. Exit la grande dépression et bienvenue dans le New York contemporain, sa vitesse, sa technologie, ses inégalités aussi. Annie, jeune orpheline abandonnée par ses parents reste joyeuse, souriante et dynamique. Elle s’évertue à positiver dans un monde qui ne semble lui offrir aucun cadeau. Un charme niais, mais porté à merveille par la jeune Quvenzhané Wallis, révélé il y a trois ans dans le poétique Les Bêtes du Sud Sauvage, démultipliant chansons et gesticulations à tout va, heureusement sans lourdeur et avec un sourire désarmant.
C’est au cours de ses aventures dans son Harlem natal qu’elle croise par hasard la route du richissime Will Stacks, ponte de la téléphonie mobile briguant le poste de maire de New York. Un industriel froid qui finira par succomber sous le charme d’Annie, à grands renforts de chansons et de rencontres meilleuses. Là encore, Jamie Foxx arrive, sans forcer le trait, à rendre son personnage empathique, une donne pas si évidente au postulat. Autour de lui, deux faire-valoirs opposés sous la forme de conseillers. L’un froid, calculateur et horripilant (Bobby Cannavale), l’autre distant mais finalement tendre (Rose Byrne). Deux personnages également caricaturaux, souvent lourds et patauds, où la répétition de leurs cabotinages fait pousser plus d’un soupir aux spectateurs.
L’ARGENT FAIT LE BONHEUR
On l’aura compris, Annie est loin d’être placé sous le signe de la finesse. Les situations téléphonées se répètent avec la précision d’un smartphone réglé à l’horaire réseau. Heureusement, les chansons ont fait l’objet d’un soin tout particulier, respectant à la fois les textes originaux de Charles Strouse et Martin Charnin, avec l’apport bienvenue d’une sorte de « Hip Pop » pas déplaisante du tout, étrangement. Les chansons phares, « It’s the Hard Knock Life » et « Tomorrow », sont particulièrement entrainantes et percutantes.
Pour autant, un film, même sur le mode de la comédie musicale, ne doit pas se suffire à la qualité de ses chansons. On pensait la leçon comprise du côté du cinéma américain. Visiblement, pas. Annie ne s’accorde aucun recul, aucune analyse sur les actes de son protagoniste. Il jette simplement au visage du spectateur un rêve américain empreint de matérialisme et d’individualité cynique, comme on pensait ne plus en voir. Au delà d’une forme plaisante, le fond s’embourbe dans une accumulation de clichés. Beaucoup de bruit pour rien.
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