Persona
Anomalisa est un bon film-concept. Cependant, comme tout film-concept, il obéit à une mécanique qui, bien que finement élaborée, ne tient qu’un temps. La première demi-heure est absolument...
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Charlie Kaufman a l’habitude de signer des scénarios intriguants. On se souvient notamment de Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry, de Dans la peau de John Malkovich et Adaptation, tout deux de Spike Jonze. Anomalisa ne fait pas exception à la règle. Intriguant, ce film l’est, tant par son sujet (on connaît Kaufman pour ses scénarios perturbés) que par sa forme. C’est en effet l’animation en stop-motion qui a été choisie par les deux réalisateurs, avec pourtant des visages au rendu réaliste, qui offrent ainsi un rendu très fin des expressions. Et pourtant, ce n’est pas pour rien que d’ordinaire les personnages en stop-motion ont les traits grossis, à l’instar de Wallace et Gromit. L’exagération des expressions des figurines en stop-motion permettent une meilleure compréhension des sentiments exprimés (et l’on retrouve d’ordinaire l’amalgame simplification égale pour les enfants).
Ici ce n’est pas le cas, les personnages d’Anomalisa peinent à transmettre leurs émotions. Ce n’est toutefois pas dérangeant puisque d’une part le film n’en reste pas moins drôle, car les passages comiques le sont essentiellement par les gestes ou la situation, et d’autre part cela sert le film, puisque le film parle d’un homme qui n’arrive plus à créer du contact avec les autres. En plus de ce réalisme étrange, les visages des figurines sont fait de telle sorte que l’on aperçoit les traits de jonction des parties, comme si on pouvait interchanger les visages des personnages entre eux. Seul le personnage principal se distingue des autres, Michael Stone, mais aussi la fille qu’il va rencontrer, Lisa. Elle est singulière. Ce qui distingue Lisa des autres, c’est la cicatrice qu’elle tente de cacher. C’est aussi sa voix qui est remarquable et singulière. Non pas parce qu’elle est féminine, mais parce que toutes les autres voix sont masculines et sensiblement identiques (puisque c’est celle du même acteur), à l’exception de celle de Michael Stone.
Le monde dans lequel vit Michael Stone est un monde lassant, pétri de formalismes. Les rapports qu’il entretient avec les autres sonnent faux et surfaits, même la conversation avec sa femme au téléphone. En rencontrant un être unique, unique pour lui, il va vouloir rompre avec son quotidien et chercher à se surprendre et essayer de profiter des plaisirs simples. Mais cela ne va pas être arrangé par ce qu’il décrit comme des troubles psychologiques, sans donner plus de précision. De notre côté, on ne peut pas ne pas penser, à Barton Fink des Coen ou bien sûr Shining de Kubrick, avec ces plans de couloirs d’hôtels interminables, et qui tendent non pas vers un lieu maléfique mais du moins angoissant et oppressant. C’est en effet ce qui se retrouve dans le cinéma de l’étrange de Charlie Kaufman. Ses personnages sont des êtres qui, las, veulent sortir de leur quotidien par l’imaginaire ou l’improbable, avant le retour au statut quo. Ainsi, tout cela n’était qu’une parenthèse, une anomalie.
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le 9 juin 2016
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