Arènes sanglantes par Maqroll
À partir d’un sujet passionnant, la corrida, représentation-type de la pulsion de mort chez l’être humain et fascinant à ce titre, Rouben Mamoulian, metteur en scène médiocre de l’âge d’or hollywoodien, a réussi à faire un mélo dégoulinant aux prétentions moralisantes et totalement invraisemblable tant au niveau des situations qu’à celui de la psychologie des personnages. Le scénario est inepte, en gros celui d’un artificiel biopic qui serait taillé à la hache sans aucun souci d’équilibre ni de progression dramatique. Les acteurs valent ce qu’ils ont toujours valu, c'est-à-dire pas grand chose pour le gominé Tyrone Power qui joue sur le seul double registre de son sourire crispé et de son sourcil froncé… encore moins pour la figée Rita Hayworth dont je me suis toujours demandé par quel miracle elle avait pu être l’égérie d’Orson Welles (c’est vrai que c’était à sa pire époque). Heureusement que Linda Darnell, actrice sous-évaluée et disposant, elle, d’un véritable talent et d’une sensibilité rare, est là pour sauver un peu le tableau à ce sujet. Quant à la réalisation de Mamoulian, en dehors de quelques recherches sur les couleurs (mais elles sont criardes et laides), elle est totalement inexistante. Pour clore le propos rapidement (il ne vaut pas mieux), je citerais deux extraits. Dans le premier, Rita Hayworth joue de la guitare une romance espagnole à se tirer une balle dans la tête d’effroi... Sa main droite caresse paresseusement les cordes pendant que sa main gauche reste immobile dans une vague position d’accord de do… Second passage : le torero va mourir (je dévoile la fin mais comme on la connaît depuis le début, ça n’a fichtrement aucune importance). Il est dans une espèce de chapelle où on le veille en priant Dieu et en attendant qu’il se vide de son sang… comme si en 1941 il n’existait pas de chirurgien capable de porter assistance aux blessés ! Tout le film est à l’image de ces deux extraits, creux et faux, comme est fausse cette Espagne hollywoodienne de pacotille (on y entend même la musique qui sera plus tard celle de Jeux interdits…) à laquelle on ne croit pas une seconde. En conclusion, voilà bien un des plus répugnants navets qu’il m’ait été donné de voir !