Dur labeur
Inlassablement, Wang Bing continue son portrait encyclopédique de la Chine contemporaine, s'arrêtant ici dans une ville dédiée à l'industrie du textile dans laquelle vivent et travaillent 300.000...
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le 28 nov. 2016
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De jeunes ruraux quittent leur foyer pour trouver du travail dans un ville dédiée aux ateliers de couture à la chaîne. Wang Bing suit plusieurs de ces chinois qui confectionnent nos vêtements. Au boulot ou pendant leur rare temps libre, il esquisse leurs vie personnelle et leurs conditions de travail sommaire, mais parfois leur relations sociales ou amoureuse.
La distance pudique qu'il installe et son sens génial du cadrage permet aux plans séquences d'exprimer la durée des émotions, des tensions, des vécus, en temps réel mais sans temps morts. Sans chercher d'effets de réel documentaire, cet objet échappe aux catégories et se laisse couler dans une atmosphère nocturne jamais reposante, belle et menaçante, chargée des espoirs et des résignations d'une jeunesse qui cherche à vivre mieux que ses parents.
Ni cinéma à message, ni dérive esthétique errante, seul derrière la caméra et sans équipe technique, tout tient dans le regard effacé mais bienveillant de Bing, sa présence modeste et son empathie, on le sent hésiter, et parfois frémir derrière sa caméra, souple et flottante. Toujours sur le fil. On le sent prêt à poser sa caméra lors d'une sequence de violente dispute de couple, ou à couper lorsqu'il suit un ouvrier qui s'est un peu trop bituré pour oublier que sa fille lui manque et qui casse les couilles à ceux qui bossent. Ça compte les minutes quil reste sur la carte de téléphone pour joindre la famille, ça compte les pièces à l'unité qu'il faudra encore coudre pour payer le billet de train, le coût d'une simple canette de soda, ça compte, ça coud. Jour et nuit.
Tout le mystère du point de vue d'un artiste, capable de saisir avec force le non dit et partager une l'évidence muette de vies nues et fragiles. On sent laisser passer toute l'humanité du cinéaste à travers ces images du rêve économique chinois, ces existences écrasées, la dignité. Un morceau de vers de Houellebecq me revient, tiré de sa chanson Présence Humaine, sans que je sache pourquoi: "leur vie étaient très limitées".
Vraiment touchant.
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Créée
le 12 janv. 2018
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