Nunca más

Un contexte politique particulier

L'année 2022 est particulièrement intense, notamment sur la plan politique, pour le continent sud-américain. La Colombie a vu la gauche remporter l'élection présidentielle pour la première fois de son histoire, le Chili a rejeté par référendum la réforme constitutionnelle (attendue depuis la chute de la dictature de Pinochet), le Brésil est en pleine élection (un scrutin qui s'avère particulièrement crucial pour l'avenir proche du géant sud-américain, dont le président est ouvertement nostalgique de la dictature militaire) et l'Argentine vit une période particulièrement instable sur le plan économique (avec un taux d'inflation qui frôle les trois chiffres) et politique (l'actuelle vice-présidente est visée par un procès pour corruption et a été victime d'une tentative d'assassinat).

Autant dire que le film (ô combien politique) Argentina 1985 sort à un moment charnière pour le continent et a fortiori pour le pays de Maradona (ou de Borges, si vous préférez). Le moins que l'on puisse dire est que, depuis la sortie du film de Santiago Mitre, le public est au rendez-vous. Pour son premier weekend en salles, Argentina 1985 a été vu par 200 000 spectateurs. Il s'agit du plus grand succès pour une production nationale en Argentine depuis le début de la pandémie de Covid.

Une œuvre intelligente et populaire

Un succès populaire qui s'explique, en partie du moins, par ce que je considère être la principale qualité du film : son accessibilité. Si Argentina 1985 est une œuvre ambitieuse qui traite d'un sujet complexe, à savoir le procès historique de la junte militaire (au pouvoir entre 1976 et 1983), il ne tombe jamais dans le piège de la monotonie du discours ultra technique et, il faut bien le dire, extrêmement chiant (Il Divo, par exemple). Santiago Mitre a eu l'intelligence de reproduire le procès d’une façon à la fois détaillée (les difficultés des procédures, les pressions externes, la richesse des témoignages) et assez facile à comprendre. On entre dans la vie (intime et professionnelle) du procureur Strassera (brillamment interprété par le très grand Ricardo Darín), écrasé par le poids de ce dossier historique dont il est chargé. On partage ses frustrations, ses joies, ses peurs. Pendant 2h20 on est embarqué par ce récit tragique, grave et douloureux mais qui contient également de nombreux instants d'espoir, d'humour et de légèreté.

Un très bon film...

...qui tombe parfois dans le pathos

Je n'ai pas beaucoup de choses à reprocher à ce film qui m'a particulièrement touché. Je me contenterai d'évoquer un certain pathos dont l'œuvre fait parfois preuve, notamment à l'aide de quelques mélodies mornes jouées au piano dont l'unique but est de faire pleurer dans les chaumières. Le sujet est déjà particulièrement lourd, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'user de ces artifices grossiers. Mais je pinaille un peu, c'est vraiment un très bon (et beau) film, qui prouve encore un peu plus que l'Argentine est incontestablement une place forte du 7è art.

Sur ce, je vous dis hasta luego, et j'espère de tout cœur que ce merveilleux continent que j'aime tant connaitra bientôt des jours meilleurs car les héritiers des régimes dictatoriaux y exercent encore un pouvoir plus ou moins considérable en fonction des pays. Soyons vigilants, partout. Nunca más.